Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
une antichambre étroite et froide, pourvue d’un seul banc sur lequel ils s’assirent. Un flambeau de poing brûlait dans son anneau. Derrière une porte, au fond, des tintements de vaisselle et des voix rieuses retentissaient. Ogier s’aperçut qu’il avait faim.
    — Surtout, murmura-t-il à Guillaume, essayons de leur faire accroire que nous ne sommes point parents. Notre parenté, c’est la France. N’est-ce pas, Étienne ?
    Plutôt que de le courroucer, cette familiarité toucha Barbeyrac.
    — La France…, dit-il rêveusement. La reverrons-nous ? Retrouverais-je mon épouse ?
    L’huis fermé s’entrouvrit sur un sergent qui s’éloigna, l’air repu, échauffé, semblait-il, par des copieuses mangeailles.
    — Ils dévorent les reliefs des seigneurs, dit Guillaume. Pire que des chiens de meute affamés !
    Devant Ogier, bouchant presque une étroite baie, le donjon dressait sa lugubre carrure.
    — Où passerons-nous le reste de la nuit ? demanda-t-il à son oncle comme si lui seul détenait la réponse.
    — En quelque cachot d’Ashby… S’ils veulent nous juger, ce ne sera pas demain, en raison des joutes, mais après-demain.
    Un autre sergent apparut et passa, l’épée battant sa genouillère. Il avait l’allure d’un huron fervêtu, la claudication d’un canard. Il adressa aux gardes un léger sourire et complimenta leur chef :
    — Bonne prise, Wilf !
    L’homme se rengorgea, le visage et l’attitude empreints d’une sérénité résolue : à coup sûr, il contrefaisait quelque grand connétable auprès duquel il avait guerroyé.
    Un autre Anglais, un clerc serré dans une houppelande noire, vint s’immobiliser dans l’embrasure de l’entrée :
    — Wilf…
    Du crochet de l’index, il invitait le capitaine à le rejoindre. Quand ce fut fait et qu’ils eurent disparu, Ogier sermonna son oncle :
    — Surtout, matez vos nerfs comme un coursier rétif. Prenez garde aux mots que vous emploierez. Quand les Goddons nous ont assaillis, votre colère et votre déception vous ont troublé l’esprit : Tancrède n’est pour rien dans notre mésaventure. Il est heureux pour elle que Bucéphale se soit enfui.
    — J’aimerais que tu dises vrai. Certes, il faut convenir qu’elle m’a traité en père…
    Ogier, ahuri par cette observation, examina le profil fripé, mangé de barbe grise de cet homme qui, peut-être, savait. Guillaume regardait le donjon devant lui, à travers les vitres glauques. Il eût considéré aussi attentivement les oreilles d’un cheval avant de galoper droit à l’ennemi.
    — Tancrède n’a jamais voulu s’avouer qu’elle vous aimait.
    — De toute façon, elle me préférait Blanquefort… J’aimerais la revoir avant de trépasser.
    — Qui sait ? Nous survivrons…
    — Vous peut-être. Pas moi.
    Ogier fut privé du loisir d’encourager le vieillard – si toutefois il en avait besoin – : le capitaine revenait, tout enfiévré d’allégresse. Édouard III avait dû le congratuler, soit de vive voix, soit par l’entremise du presbytérien.
    — Debout, messires. Suivez-moi.
     
    *
     
    Après la tremblotante pénombre du vestibule, la lumière qui, du pavement au plafond, noyait la chambre du roi, donna aux trois prisonniers l’impression d’un mélange éblouissant d’or et de pourpre. Quatre cierges pascaux, quatre candélabres à long pied, une couronne de lumière à double rang de chandelles dont le poids semblait infléchir la maîtresse poutre du plafond répandaient dans la pièce, outre leur clarté, une odeur de chapelle un jour de Fête-Dieu, car pour se prémunir d’un rhume ou de sa contagion, le suzerain d’Angleterre avait fait brûler, dans une cassolette de bronze figurant un léopard, une poudre fumigatoire à senteur de camphre.
    Assis nonchalamment au chevet de son lit, Édouard III se leva et sourit. Il n’eût certes pas mieux accueilli des amis ; cependant, au-dessus du retroussis de ses lèvres cernées de poils roux, ses narines palpitaient, et ses yeux exorbités semblaient tout imprégnés de la noirceur nocturne.
    — Messires, le bonsoir… Vous m’avez tué trois hommes.
    C’était avant la lettre une condamnation.
    — Sire, dit Ogier, si l’on vous assaillait, ne tireriez-vous pas l’épée ?
    La voix mesurée, sans orgueil, sans animosité ni bassesse, il défiait le souverain, sachant bien qu’il prenait toute l’affaire à l’envers et qu’un otage qui s’évadait et que

Weitere Kostenlose Bücher