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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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serviteurs…
    — Croyez-vous, messire Argouges, que je me parjurerais ?
    — Pour se parjurer, sire, il faut avoir juré…
    L’audace de ce coup d’éclat réjouissait Ogier. Il en était effrayé, mais pensait user d’un bon droit qui semblait être la seule étincelle d’espérance dans les ténèbres qui les enveloppaient, Étienne, Guillaume et lui.
    — Pensez-vous, messires, que le roi trouvé qui souille le trône de France aurait ma mansuétude ?
    — Votre bonne volonté, sire, dit Guillaume. La mansuétude, la vraie, serait de nous dire : «  Partez. » La bonne volonté, c’est de nous fournir un affreux moyen de conquérir la liberté en versant notre sang et celui de vos hommes liges. Dieu doit dès maintenant se pencher sur nos têtes.
    L’irrévérence était si soigneusement exprimée qu’Édouard IIIen parut moins affecté que Jean d’Offord dont la lividité s’était aggravée. Guillaume le considéra de haut en bas, conservant toute sa maîtrise, décidé à poursuivre, s’il le fallait, mais le roi qui venait de s’asseoir sur son lit signifia d’un geste la fin de toutes ces parlures :
    — Vous allez consigner, Offord, mes volontés… Nos fidèles chevaliers : Cobham, Dartford et Brackley accepteront de… rencontrer ces hommes… J’y tiens.
    Le chancelier décrocha son calemart, qu’il déposa précautionneusement sur la table après avoir éloigné l’aiguière et les hanaps. Il n’avait besoin que de son encrier et d’une plume ; quand il fut prêt à la dictée, sans siège – il répugnait à s’installer sur la chaire, à l’invitation de son roi –, Édouard III fureta dans ses parchemins et en choisit un petit lardé de coutelures, « mais suffisamment bon pour nous », songea Ogier.
    — Y êtes-vous, Offord ? Édouard, par la grâce de Dieu, roi d’Angleterre et de France, seigneur d’Irlande, à l’honorable maréchal de lice, Russell Chalk, salut.
    Le roi dictait d’autant plus vivement que son chancelier écrivait currente calamo.
    — Nous vous mandons que selon les dispositions que nous avons prises envers trois chevaliers de France, messires Ogier d’Argouges, Guillaume de Rechignac et Étienne de Barbeyrac, la liberté leur sera accordée s’ils triomphent de nos trois chers prud’hommes : Renaud de Cobham, Lionel de Dartford et Simon de Brackley… Nous ne dérogerons cependant point, dans le cas contraire, à la coutume selon laquelle la reine de la fête d’armes d’Ashby pourra exercer son pouvoir quant à la sauvegarde ou à la punition desdits sires, mais nullement hors de la lice…
    « Faisant le généreux, il nous condamne tout de même », songea Ogier. « C’est mieux, cependant, qu’une pendaison ou une décollation immédiate. »
    — … Donné sous notre privé sceau, à Ashby, le vingt-quatrième jour de novembre 1347 de notre règne… Achevez, Offord, achevez…
    Le roi enleva son anneau sigillaire tandis que son chancelier tirait du calemart une barre de cire. Les flammes ne manquaient point pour l’amollir. Quand le parchemin fut scellé, Ogier demanda :
    — Les armes et les armures ?
    — Quand vous entrerez en lice, messires, vous en porterez de meilleures que celles qui furent vôtres.
    Dans l’état de soulagement où il se trouvait, Ogier ne prit aucun ombrage d’une telle pique. Mais il avait besoin de savoir autre chose :
    — Qui sera reine, sire ?
    Le souverain sourit avec une espèce de compassion ou d’indulgence :
    — Par ma foi, votre curiosité me semble à la mesure de votre audace ! Eh bien, la reine sera la belle Jeanne, compagne de Thomas Holland… Elle est arrivée quand, sans doute, vous occisiez mes hommes… Elle sera assistée, en particulier, d’une dame dont je puis vous révéler qu’elle est de France. Elle a pour nom Tancrède de Savignac.
    Ogier sentit son cœur tomber dans sa poitrine. « Elle a changé de nom ! » Il se tourna vers son oncle. Livide et courroucé, il acceptait l’outrage.
    — Elle est du Périgord comme vous, messire, ajouta le roi en s’adressant à Guillaume avec aussi peu d’intérêt que possible. Nous avons moult alliés dans ce pays qui peut-être un jour sera nôtre.
    Guillaume subit le coup. Ogier vit ses poings se serrer : ce fut tout, assorti néanmoins d’une considération débonnaire :
    — Une belle pute, en vérité, sire !… Quant à mon Périgord, vous ne l’aurez point : il est trop beau pour

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