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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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porte-là, c’est la latrine. Je vais vous verrouiller : les gardes sont ailleurs.
    — Comme je les comprends, fit Guillaume.
    Wilf sortit. La grosse porte trembla sur ses gonds.
    Barbeyrac ouvrit le coffre et en tira trois couvertures grisâtres qu’il flaira l’une après l’autre avec dégoût.
    — Bien sûr, dit-il, je prends la plus mauvaise parce que je connais les usages… L’on peut foirer à loisir là-dedans : avec toutes ces déchirures, on est sûr que l’odeur ne s’y maintiendra pas !
    Il s’allongea loin du mur, à la lisière de la paille, souhaitant qu’il n’y eût ni rats, ni souris, ni poux, ni punaises. Ogier s’étendit près de lui et Guillaume à côté du dormeur.
    — En voilà un, dit-il, qui a le sommeil du juste.
    — Ah ! là là, les amis, quelle mêlée, s’émerveilla Barbeyrac léchant sa main blessée… J’ai cru mourir dix fois.
    Il semblait d’un caractère vif, vaillant, prompt à s’ébaudir. Rien en lui n’était ombreux, contraint ; pourtant, pendant deux ans, il avait dû souffrir dans son âme et son corps.
    — Que fait mon Alix cette nuit ? dit-il après un bâillement. C’est surtout la nuit que je pense à elle… À trop me préparer à la guerre, j’ai dû souvent lui sembler négligent. Mais bon sang, je ne suis pas un trouvère !… Défendre ma vie, ravir celle des autres, c’était aussi prendre soin de la sienne et protéger mes deux fils !… Un cœur qui s’amollit dégrade tout un corps…
    — Un corps qui s’endurcit peut rabougrir un cœur, fit Ogier soudain maussade, les yeux errant sur le plafond en berceau rongé, tavelé, vergeté d’humidité – pareil à un feuillage de pierre. Je te comprends, Étienne…
    Peut-être était-il plus secret, plus morne et affligé que Barbeyrac pour parler aussi simplement, aussi sincèrement que lui de Blandine. La présence de Guillaume rendait difficile cette sorte d’épanchement : son oncle l’avait tant conseillé pour les armes et les amours !
    — Aux guerriers, dit-il, le mariage devrait être interdit.
    — Hé ! Hé, fit Barbeyrac, nous ne sommes pas des Templiers ! C’est moins le mariage qui nous pèse, parfois, que la contrainte où il nous met. Or, qui l’a désiré ? Nous… Il y a donc plus de courage à proclamer que le mariage est une alliance incertaine qu’à le prétendre indissoluble devant un clerc ignorant de ces choses et une Croix qui marquera définitivement, un jour, la fin de nos tentations.
    — Allons, allons, Étienne ! reprocha Guillaume. Est-il bon que tu penses maintenant à ton Alix ?… Toi, mon neveu penses-tu à ta…
    — Blandine, mon oncle… Je n’y pensais point trop, en vérité, jusqu’à ce qu’Étienne parle de son épouse.
    C’était vrai. Il avait même oublié Griselda. Il eût voulu n’être qu’un cerveau imbu d’une volonté tenace, périlleuse : consterner Édouard III en atterrant Cobham.
    Guillaume remua, se gratta, luttant contre le sommeil ou la vermine, à moins que le silence ne lui fut insupportable.
    — Si la guerre, dit-il, peut raccourcir une vie d’homme, la femme peut agrandir son ambition, augmenter sa confiance en sa force mais, quoi qu’il fasse, il est toujours seul.
    Il était étrange qu’un vieillard comme Guillaume eût, plutôt que de les vouloir abréger, le désir de poursuivre des propos que Barbeyrac, qui les avait provoqués, commençait à trouver fastidieux : il bâillait. L’image de Tancrède brûlait le cœur et la raison de Guillaume. Était-ce lui ou Blanquefort qui l’avait engendrée ? Il fallait le délivrer de cette hantise. Comment ?
    — L’amour est un don de Dieu, dit Ogier. La haine un don du diable…
    — Tu as fait plus que haïr Blainville, mon neveu, sans être pour autant un suppôt de Satan… Demain, devant Renaud de Cobham, que seras-tu ?
    La question désempara Ogier. Il sonda brièvement son cœur :
    — Entre Blainville et Cobham, l’espace est aussi grand que celui qui sépare la France de l’Angleterre. Blainville était l’être le plus exécrable que j’aie connu : débauché, dépourvu du plus petit scrupule, traître, criminel, responsable de tous les malheurs qui, pendant cinq ans, ont accablé ma famille… Cobham n’est rien de cela : j’ai assailli, avec les manants du Tournaisis, la tour qu’il visitait. J’ai abattu la tour et meurtri quelques hommes. C’était son droit de me vouloir occire… Ce que je

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