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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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comme il venait d’empiéter sur un blanc, il interrogea Jean d’Offord du regard. Ogier se demanda : « Est-ce du chancelier et non d’un chandelier que va venir la lumière ? » Il étouffait d’angoisse et de faire un bon mot, fût-ce a parte, atténuait son trouble.
    — Eh bien, non, messire Argouges !… Les joutes, pour vous, seraient un déduit [232] trop aisé !… Vous vous en sortiriez avec honneur, et vos compagnons avec vous, je présume… Joutes, tournois, combats à la barrière, les Franklins ont en cela une excellente renommée…
    Les prisonniers s’inclinèrent à ce qui leur paraissait un compliment sincère, tandis qu’une agitation furibonde s’emparait d’Édouard III.
    — … sans doute parce que les armes de guerre y font défaut !… Point de piquant qui peut pertuiser son homme ; point de tranchant pour l’entailler de façon qu’il en trépasse… N’ai-je pas raison ?
    Ogier demeura un moment hésitant, amoindri, assommé par un pareil affront, sentant peser sur lui, plus encore que sur le roi, les yeux aigus, malicieux, de Jean d’Offord. Il fit un suprême effort pour supporter l’amertume d’une aussi laide déconvenue, et demeura immobile, la langue collée au palais, l’esprit vidé de toute réponse pertinente.
    — Sire, dit Guillaume, vous avez vos aises et votre position pour nous offenser. Vos victoires vous donnent une supériorité sur nous plus grande encore que votre couronne… Eh bien, si nous sommes ce que vous dites, mettez devant nous, avec des armes de guerre, trois de vos plus vaillants chevaliers : nous saurons, par ma foi, les tenir en échec… avec une épée de tournoi !
    Il était à la fois outragé, consterné. Son arrogance s’en trouvait d’autant plus corrosive.
    — Pas vrai, vous deux ?
    Barbeyrac acquiesça. Ogier en fit autant mais réprouva la présomption du vieillard. Dans l’état de fatigue où ils se trouvaient, livrer ces combats contre des hommes en parfaite santé, adurés aux armes et soutenus par tout un peuple serait une aventure dont il redoutait l’issue.
    Jean d’Offord, mains jointes, se recueillait. C’était, semblait-il, pour dérober son regard à celui du roi d’Angleterre qui, précisément, cherchait l’assentiment de son confident.
    — Messires, dit-il enfin, décidant seul la chose, trois chevaliers, demain, avant que les joutes n’aient lieu, m’ont fait part de leur intention de lancer, séparément, du milieu de la lice, un défi à tous ceux qui se tiendront à l’entour. Si j’ignore les termes de ces challenges, je sais qui les publiera : Renaud de Cobham – eh oui, messire Argouges ! –, Simon de Brackley et Lionel de Dartford… Leur déception serait immense au cas où trois chevaliers, trois sur une centaine, n’osaient relever le gant… Mais sait-on jamais ? Tous ont des revanches à prendre sur les précédentes joutes qui se donnèrent à Londres à l’occasion de mon retour, il n’y a guère plus d’un mois !… N’ai-je point raison, Offord ?
    Le clerc se redressa, la mine blafarde, les yeux humides, agacé, semblait-il, par l’éloquence de son roi et la proposition qu’il pressentait ainsi, d’ailleurs, que les trois captifs.
    — Au cas où ces champions seraient sans adversaires – car leurs défis sont à outrance –, je vous accorderai permission de faire armes contre eux.
    — Et si nous les vainquons, sire ? s’enquit Ogier. Quelles seront vos dispositions envers nous ?
    Le roi rit et Jean d’Offord pouffa discrètement. Jamais ils n’avaient vu pareille outrecuidance. La défaite serait française. Pour s’en garantir, Édouard III tourna son regard vers le premier butin dans lequel il voyait un perdant : Guillaume de Rechignac – qui ne fut pas contristé d’être déprécié avant qu’on ne l’eût vu à l’œuvre.
    — Je suis vieux, dit-il. Deux ans, sire, passés dans vos geôles parce que j’ai refusé de payer ma rançon, ne m’ont guère été profitables. Mais j’ai bonne bachelerie [233] et vous le prouverai !
    — Je relèverai le gant de Cobham, sire, dit Ogier, si l’occasion m’en est fournie !
    Une seule chose intéressait Étienne de Barbeyrac :
    — Si nous sommes vainqueurs, sire, qu’obtiendrons-nous ?
    — La vie sauve, messires. Je m’en porte garant. Mais je vous vois douter…
    — Vous êtes un homme, sire, et notre ennemi… Nous vous avons tué trois

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