Le jour des reines
amusée.
— Nous allons te montrer comme on vainc ! dit Guillaume. Allons, compagnons, mettons nos écorces de fer !
— Avant, dit Ogier, je vais à la guérite : j’ai le cœur de travers et les boyaux qui gargouillent.
— Je t’accompagne, dit Barbeyrac.
Comme ils passaient près de la tente de leurs adversaires, invisibles, de l’autre côté de laquelle des sergents dressaient un râtelier d’armes, les bruits d’une conversation à haute voix intriguèrent Barbeyrac.
— Le roi est là-dedans, dit-il. Approchons-nous.
— À quoi bon, ils parlent en patois. Je ne saurais comprendre ce qu’ils disent.
— Je connais, moi, ce langage. En deux ans, je l’ai appris.
— Les gens des barrières nous regardent !
— Feins de resserrer ta ceinture ou de chercher son mordant.
Ils s’approchèrent. Les voix étaient si fortes, si nettes que se pencher n’était pas nécessaire.
— Oui, le roi est présent… Peut-être Offord, à moins que ce ne soit le maréchal de lice. Tiens, c’est justement lui qui demande conseil !
— Let’s get back to that joust, Sire. How could we manage to get rid of that Frenchman ?
— Il dit, chuchota Barbeyrac : « Revenons à cette joute, sire. Comment procéder pour éliminer ce Français ? » C’est sûrement de toi qu’il parle.
— It’s on you, not on me, to find an astuteness. He scrutinizes too closely the lances proposed to him for us to be able to slit his own with a saw-cut. But you could offer Cobham a spear so pointed that it can transpierce Argouge’s shield, and then his breast plate [265] .
— Il est bien question de toi. Ils te reprochent de trop examiner les lances. Méfie-toi : celle de Renaud de Cobham, si elle t’atteint, sera mortelle.
— Partons.
— Attends !
— I have been told Hugh Calveley would be here to attend the first races.
— Offord dit qu’il s’est laissé dire que Hugh Calveley serait ici pour les premières courses.
— Trop tard !
— I’ll be very pleased to meet him.
— Édouard dit qu’il aura grand plaisir à le voir.
— J’aurais eu grand plaisir, moi aussi, mais il est trop tard. Allons, viens. Qui entre le premier dans cette guérite ?
— Vas-y. Eh ! regarde… Ce n’est pas ton oiseau qui tourne dans le ciel ?
C’était sûrement Tom. Ogier fut certain que le balbuzard l’avait reconnu. Étrange et forte, il eut la conviction que le rapace veillait sur lui.
II
Après en avoir échangé certains, les Français revêtirent les ajustements qu’ils avaient trouvés dans les sacs accrochés à la selle des chevaux : un gippon de toile matelassé de bourre de coton, des chausses rondes et à moufles [266] fixées à la ceinture de leurs braies au moyen d’aiguillettes ; un plastron de cuir destiné, dit Guillaume, à leur tenir chaud plutôt qu’à amortir les coups d’estoc. Ils s’adoubèrent en s’entraidant. Les courroies joignant les plates des armures, bien que graissées, leur inspirèrent quelque inquiétude.
— Ridées, dures comme de vieilles peaux, dit Guillaume. Je n’ai pas ce souci avec mon haubergeon… Aide-moi, Barbeyrac, à passer ce tabard…
— Je pouvais le faire, dit Wilf.
— Si tu voulais vraiment te rendre utile, dit Guillaume, tu nous laisserais nous apprêter seuls.
— J’ai reçu commandement de vous assister. Mais je peux m’en aller et ramener un clerc. N’auriez-vous point besoin d’un confesseur ?
— Un clerc ! s’exclama Barbeyrac. Un clerc d’Angleterre !… Je consens, cependant, à ce que tu nous l’amènes s’il apporte avec lui un cruchon de good-ale.
Guillaume enfila soigneusement les gantelets à la baleine [267] qu’il s’était réservés lors du partage des armures. Bien que vieux, ils étaient restés en bon état.
— Du solide, en vérité, dit-il en animant les écailles de corne cousues sur un gant de peau de daim. L’épée ne glisse pas…
— Ni nos épées, ni nos semelles, ni nos courages ne glisseront !
Barbeyrac cherchait à triompher de l’angoisse. Guillaume restait impénétrable. Ogier, qui les observait, se demanda : « Et moi ? Ai-je peur ? » Pour différer l’instant de se répondre, il saisit le bassinet qu’il avait choisi. Wilf, aussitôt, émit un petit rire :
— Messire, vous pouvez le laisser où il est. Renaud de Cobham vous en fournira un. C’est ce que j’ai cru comprendre.
Il semblait informé de tout. Ogier
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