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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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caressa le timbre poli, ovale, qui, si Wilf se trompait, protégerait son crâne :
    — Je prends ce bassinet, il me plaît.
    — Croyez-vous que vous l’emporterez en France au cas où messire Renaud vous laisserait la vie ?
    — C’est un affrontement à outrance, Wilf. Qui sait si tu ne verras pas ton champion me crier merci.
    Sans se retourner pour juger de l’effet produit par sa réplique, Ogier sortit, précédant Guillaume et Barbeyrac.
    Sa première pensée fut : «  La pluie ne tombe plus. » La seconde : « Les sots ! » car la foule, les poings tendus, proférait des imprécations à l’adresse des Franklins et même leur jetait des pierres dont une atteignit l’épaulière de Barbeyrac : il la frotta du bout des doigts comme pour effacer quelque chiure de mouche, ce qui eut pour effet un redoublement d’injures et de huées.
    — La musique a cessé, dit Guillaume. Et sans doute depuis longtemps.
    — Je ne m’en suis pas aperçu… Mais oyez ce vacarme ! Quelle haine envers nous !
    — Moi, je la leur rends bien !… Or çà, voyez, dit Barbeyrac, ces pauvres musiciens !
    Par convenance envers le cérémonial, ils étaient demeurés assis, immobiles et transis dans leur livrée de pourpre et de sinople, coiffés de leur chapeau de feutre noir tellement gorgé d’eau que la calotte et les bords informes, rabattus sur les oreilles, faisaient penser à de gros champignons avariés.
    — Où sont passés nos trois larrons ? dit Guillaume. Leur pavillon me semble vide. Avez-vous remarqué qu’il s’ouvre à l’inverse du nôtre pour nous priver de voir ce qui s’y passe ?
    — Ils ne vont pas tarder à se montrer, dit Wilf.
    Il y eut un remous de l’autre côté du champ, là où débouchait le chemin du château. Des cris joyeux retentirent, et des crépitements de mains pareils à ceux des grêlons sur la terre, tandis que des têtes sautillaient et que les gens perchés, accrochés à leur branche ou agenouillés sur les toits, hurlaient leur joie, leur dévotion, leur fierté.
    — Le roi fait son entrée, dit Wilf en contenant son ardeur.
    Les ménétriers, tous debout, rejouèrent ; les trompes et les buccins dressèrent vers le ciel leurs calices de cuivre tandis que les sons picotants d’un chalumeau s’évertuaient à percer cette rumeur de grande marée. Les cymbales et les nacaires écrasèrent à grands ahans les stridences des trompettes, et les violes et le pibroch miaulèrent presque à l’unisson.
    — Ce sont, dit Barbeyrac, les musiciens de l’enfer ! Qu’en penses-tu, Ogier ?
    — Juchons-nous sur nos escabelles. Nous y verrons bien mieux.
    — Prenons garde à nos clous, recommanda Guillaume. Ah ! le voilà !
    Le roi apparaissait derrière une cohorte de sergents coiffés et cuirassés de fer, le vouge ou le fauchard sur l’épaule. Il était vêtu d’un hoqueton brodé aux armes de l’Angleterre, et juché sur un palefroi couvert d’un houssement de satin également à ces armes. Les yeux des léopards figurant sur l’encolure, le poitrail, l’arrière-main et les cuisses semblaient faits de rondelles d’orfèvrerie ; une houppe de plumes amarante et safran dodinait au-dessus du chanfrein d’acier.
    — Voyez donc ce sambuc [268] . Il étincelle d’argent et d’or.
    — L’argent et l’or robés dans nos églises.
    — Son cheval semble honteux d’être ainsi affublé !
    Le palefroi se regimbait : on le serrait au mors et aux flancs avec une force excessive. Ogier baissa la tête :
    — Je comprends, Wilf, dit-il, à voir monter ton roi, que la comtesse de Salisbury, dont on dit pourtant chez nous qu’elle était consentante, le fuie désormais à grand épouvantement.
    Wilf haussa les épaules ; il regardait Édouard derrière lequel chevauchaient le maréchal de lice, les juges à cheval et à pied, deux capitaines et d’autres piétons porteurs de bannières ; deux évêques levant soit ensemble, soit alternativement leur crosse comme des guerriers l’eussent fait d’une arme après une victoire. Ensuite, seul, détaché au plein sens du mot, Jean d’Offord, soucieux, essayait d’éviter les flaques. Il précédait une décurie de tonsurés, bras croisés, cordelière pendante.
    — Cela ressemble un peu aux pompes de chez nous. Pas vrai ? dit Guillaume. Il se peut qu’à Vincennes…
    — La foule, coupa Barbeyrac, déborde des barrières pour faire hommage à ce démon !
    Ogier ne disait mot. Il

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