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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de l’un à l’autre, semblait avoir soupçonné l’importance de cette injonction sans en pressentir la nature. Il désigna le plus visible des écus : De gueules à un chevron d’or à trois molettes d’azur brochant.
    —  Renaud de Cobham, messires. Simon de Brackley, c’est le bélier au collier de palourdes.
    — Je le prends, dit Barbeyrac. À quoi bon attendre, pour faire notre choix, que ces malandrins aient publié leurs chapitres [274] .
    Penché en avant, il essayait de deviner l’aspect de Brackley sous sa ventaille entre-close, le volume de ses muscles sous le fer qui les couvrait, mais un trop grand intervalle l’en séparait pour qu’il se fît une opinion.
    Soudain, Cobham galopa vers les Franklins et particulièrement le ressuscité de Sangatte. Dartford l’avait suivi de près. Guillaume étouffa un juron en voyant son écu : sur fond de gueules, il y avait un visage de femme brune, les cheveux massés sous une haute coiffure en corbeille, décorés d’une pluie de perles. Cette face souriante, cette déesse nue jusqu’aux seins, c’était Tancrède. C’étaient ses yeux bleu-vert, son sourire de corail et de nacre, son menton hautain ; cet air de perplexité qu’elle avait entre deux moqueries, deux colères et, sans doute, deux pâmoisons [275] .
    — Si Dieu est juste et bon, tu mourras ce dimanche !
    Dartford ébaucha un geste vers sa ventaille comme pour l’abaisser. Il détestait l’examen que Guillaume faisait de son visage, bien qu’on en vît peu, tant était haut son gorgerin.
    — Va te confesser !
    — Présomptueux vieillard ! Je vais te réduire en charpie !
    Guillaume attrapa le cheval de Dartford au frein et, levant la tête :
    — Tu pourrais être mon fils et même mon petit-fils ! J’aurai plaisir à te donner une leçon avant de t’achever comme un lynx enragé !
    Derrière cette prédiction apparaissaient une réelle grandeur d’âme, un héroïsme et une force reconstitués. Cependant, Dartford était jeune, solide, aduré aux armes et dévoyé, donc déloyal. De plus, chaque coup qu’il fournirait serait comme alourdi par les cris de ses partisans innombrables tandis que ces mêmes encouragements allégeraient son épée en toute autre occasion.
    — À bientôt, vieux coquin !… Ce soir, je friponnerai [276] sur ta dépouille mortelle.
    Dartford fit cabrer son cheval et s’éloigna au trot. Cobham, qui n’avait rien dit, souleva sa ventaille. Ogier reconnut son regard violent et pervers.
    — Cette fois, Argouges, point de quartier !… Masny, que vous pouvez voir à la dextre du roi, m’a dit, ce matin même : « Il est à toi. Fais-en ce que tu voudras. » Votre sang va teinter le gazon d’Ashby !
    Et Cobham s’éloigna, rattrapé par Brackley.
    — Je tuerai ce Dartford, dit Guillaume.
    Son front pâle se plissait de rage et de volonté contenues. Sa parole lente et monotone exprima, au-delà d’une fureur légitime, sa déception d’avoir vu Tancrède peinte sur un écu anglais.
    — Je n’ai ni regret ni repentir d’avoir détruit moult Goddons, et j’en aurai moins encore si je parviens à occire celui-ci… J’ai subi mon sort avec constance ; je vais pouvoir me revancher, sur un homme, de toutes les humiliations que ses pairs m’ont prodiguées !
    — Moi aussi, dit Barbeyrac.
    — S’il y a, dit Wilf, quelqu’un qui doit être durement iré contre Dartfort, c’est le roi. Messire Lionel l’a précédé dans le cœur de la Française qui, selon les mauvaises langues, se défend maintenant de leurs assiduités.
    — Dartford périra ce dimanche, affirma Guillaume.
    Wilf eut un sourire compatissant :
    — Mais… ne dirait-on pas que vous l’aimez aussi ? Il est vrai qu’elle est de chez vous !
    Guillaume avait baissé le front, refusant toute dénégation, toute parlure. Barbeyrac commençait à trouver le temps long. Ogier prit une décision :
    — Apprêtons-nous, compères. Le maréchal de lice, les juges et leurs assesseurs apparaissent.
    Tous étaient à cheval ; derrière eux, à pied, venaient les trois hérauts des appelants, revêtus d’une dalmatique noire, tenant roulé dans leur dextre gantée de chevrotin le défi de leur maître. « Ils portent notre deuil », songea Ogier, tandis qu’au petit trot, le maréchal de lice allait présenter quelques recommandations aux Anglais, entourés de leurs écuyers et de quelques gens de moindre importance.
    Wilf, du bout de ses

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