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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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doigts, écrasa sous son nez une goutte :
    — Les défis que l’on va vous lire ont été publiés ce matin. Nul seigneur ne les a relevés, ce dont le roi se doutait, et ce qui signifie, messires, que les chevaliers que vous voyez là-bas sont habiles et félonneux… Cobham a modifié ses intentions pour vous, messire Argouges… Affronter ces trois preux, c’est accepter la mort.
    — Tu es trop emparlé Wilf [277] , releva Guillaume. Tu en verras périr au moins un !… Si je meurs, Dartford mourra. Dieu, parfois, peut se méprendre dans ses choix ; ce dimanche, je sens qu’il sera infaillible.
    Il n’osait regarder du côté des tribunes. Plus il se refusait à penser que sa fille siégeait à une place d’honneur, plus il devinait qu’elle ne s’intéressait qu’à sa personne. Sa rage, sa détresse allaient en augmentant, de sorte que son visage, qui les reflétait, semblait celui d’un homme hautain, perspicace et impitoyable. Aux subtilités de Dartford, il se promettait d’opposer des assauts rigoureux, et s’il lui advenait – comme maintenant sans doute – de songer aux jeux nébuleux où l’Anglais avait entraîné Tancrède, eh bien, il n’en aurait que plus de vigueur et d’agressivité.
    — J’occirai ce fumeux et l’émasculerai !… Pourquoi ce regard, Ogier ?
    — Ne vous laissez pas subjuguer par vos humeurs noires. Ni par une confiance extrême… Il vous faudra exécuter vélocement ce Goddon, si vous me permettez un conseil à vous qui m’en avez tant donné. Dartford n’a émoussé ni sa volonté ni sa force dans des épreuves telles que celles que vous avez subies…
    — Les travaux que j’ai faits m’ont rendu plus solide.
    — Ils peuvent à votre insu avoir noué vos muscles.
    — Tu dis n’importe quoi !
    — Je veux votre victoire.
    — Occupe-toi de la tienne. Ce Cobham a failli te détruire une fois…
    — J’étais quasiment nu, or, du fer me protège.
    Le maréchal de lice s’approchait tandis que les juges, leur vergette posée sur l’épaule, comme des guerriers en campagne, se répartissaient sur le terrain.
    — Messires êtes-vous prêts ?
    — Messire nous le sommes.
    Ogier se détourna de Tancrède pour observer Édouard III. Debout derrière le garde-corps couvert d’une tapisserie à ses armes, il savourait déjà la victoire des siens. Sur un geste qui signifiait : « Allez », les musiciens se levèrent ; une grande fanfare éclaboussa les cris et les rumeurs, effarouchant quelques oiseaux sauf Tom qui tournoyait bien haut, sans intention de se poser, mais qui l’avait reconnu, lui, Ogier. Le cheval de Cobham rua et faillit atteindre celui de Dartford, un rouan à grosse tête dont le chanfrein s’ornait, entre les yeux, d’une longue corne pointue, façonnée en torsade.
    Le maréchal de lice interpella Ogier :
    — Vous feriez bien, messire, de vous mettre en selle. C’est ainsi qu’il convient de vous présenter aux dames… La pluie ne tombe plus : sachons en profiter.
    Le silence revint brusquement. Un murmure et des cris de satisfaction s’exhalèrent de toutes les bouches : enfin, on allait pouvoir hurler en voyant six hommes s’entre-détruire. Ogier se hissa sur son moreau qui broncha sans se regimber sous son poids. Bientôt, il se trouva entre Barbeyrac et Guillaume.
    Un héraut s’avança ; un vieux barbu d’allure capricante, empêtré dans une dalmatique un peu large, coiffé d’un mortier informe et qui lui mouillait les tempes. Il s’immobilisa au centre du terrain et fit face aux tribunes.
    — Publiez ! commanda le maréchal de lice.
    L’homme déroula son parchemin, toussota pour s’éclaircir la voix et, le buste rejeté en arrière :
    —  Ce sont les armes qui seront faites au château d’Ashby, ce vingt-cinquième jour de novembre mil trois cent quarante-sept, lesquelles ont été par moi, Shadwel, héraut d’armes de messire Lionel de Dartford, mises par écrit à sa demande.
    —  Quel dommage qu’il ne pleuve pas ! dit Barbeyrac. L’encre se détremperait et cet inconvénient nous épargnerait de fastidieuses commençailles.
    Ogier lui donna raison. Seul l’énoncé des conditions des combats l’intéressait. Du nombre des épreuves et de leur âpreté dépendrait le sort de son oncle. Il se tourna vers Tancrède, attentive et peut-être plus angoissée qu’il ne l’imaginait. Comme Wilf s’éloignait de quelques pas, Guillaume demanda

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