Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
certain ! Henry de Ringwood avait-il dégoûté de l’amour son épouse ? Sans doute pour qu’elle parût vouloir se livrer, maintenant, à un ennemi, un vaincu et, ce dont il était marri en l’occurrence, une sorte d’impotent.
    — Je vous envie, messire, de dormir comme un ange. Moi, j’affronte la nuit comme…
    — Comme ? demanda Odile tout à coup sèche, attentive.
    — Comme une condamnée, ma sœur. Je brûle, je froidis, je languis jusqu’à l’aube… Mais avec tes remèdes dont j’étais dépourvue, j’espère enfin guérir de cet inconvénient.
    Que signifiaient ce ton douceâtre et ces paroles ? Il y avait une brèche dans la gonne de satanin rose. Ogier entrevit la naissance des seins.
    — Couvre-toi, ma sœur, recommanda Odile. L’air fraîchit et tu crains les maux de gorge.
    Objurgation feutrée ou conseil bienveillant ? La voix qui l’exprimait manquait d’alacrité. La pucelle pressentait-elle, pour la première fois, de quelle lascivité captive d’un caractère suffisamment fier, jusque-là, pour en refréner les ardeurs, sa sœur aînée était hantée ? Son panier au bras, telle une manante au marché, elle gagnait la porte. Éthelinde la rejoignit, la saisit par la taille et, contrite ou amusée, la baisa sur la bouche.
    On n’eût pas dit, à les voir ainsi embrassées, qu’elles se chérissaient. Il existait un autre verbe, sans doute, pour exprimer cette attirance et cette effusion singulières.
    « Deux sœurs », songea Ogier, « mais point du même lit, sans doute. »
    Il en était certain, tout à coup : si Éthelinde semblait encline aux ébattements les plus hardis, Odile, sous son innocente apparence, était visitée des mêmes désirs que celle qui l’avait précédée dans la vie. Dans quels fruits défendus rêvait-elle de planter ses petites dents blanches ?
    — Demain, si vous tenez sur vos jambes, nous vous ferons visiter Winslow.
    — Puisque c’est en votre compagnie à toutes deux, j’en serai capable !
    Les hommes avenants devaient être rares, au château, pour qu’il fût enveloppé de tant d’attention.
    — Rêverez-vous de nous ? demanda Éthelinde.
    — Nos sommeils sont nos maîtres, noble dame. Qui sait si je ne vais pas rêver de batailles ?… De joutes et de tournois, puisque vous m’en avez parlé ?
    — Messire Ogier, en ce cas nous serons sur l’échafaud des dames ! Et nous assisterons, passionnées, aux courses que vous fournirez !
    — Dans l’état où je suis, dit-il en souriant, je ne puis courir qu’une lance.
    Cette allusion parut mécontenter Odile. Entraînant sa sœur par un bras, elle jeta sans se retourner :
    — Messire, on a pu voir, lors de certaines joutes, un bon coup qui en valait dix !
    Elles sortirent. Riaient-elles ou bien s’affrontaient-elles du regard ?
    « Blandine », songea-t-il.
    Auprès d’elles, et bien qu’il les connût à peine, son épouse, soudain, paraissait une sainte. Avec, pour lui, les inconvénients qui procédaient de cet état. Pourrait-il à nouveau toucher cette poitrine dont, après les joutes de Chauvigny – précisément – le souvenir avait embrasé son imagination ? Allait-il oublier Blandine au profit d’Éthelinde ? Pourquoi non ? Ne serait-ce point une victoire, à tout le moins une revanche, que de subjuguer la veuve d’un Goddon qui avait mis à feu et à sang la Bretagne ? Tant qu’il n’aurait pas empaumé, flatté cette gorge attrayante ; tant qu’il n’aurait pas sondé cette obscurité mousseuse, à la fois chair et végétal qui, un instant, s’était appuyée contre sa main crispée, il vivrait dans une espèce d’angoisse. Chaque jour, le poids de sa captivité deviendrait plus oppressant. Demain, après-demain ou dans une semaine, Éthelinde se livrerait. Il étirerait indéfiniment le plaisir de la soumettre… Quand il avait senti son doux blason contre le dos de sa dextre, il s’était essanné [66] . L’attouchement de cette pulpe secrète était si prodigieux, dans l’état de quasi-impuissance où il se trouvait, qu’il avait encore, à se le rappeler, le cœur gros et le souffle court.
    — Cesse de warrouiller [67]  ! Dors, tu en as besoin.
    Il se remémora le visage d’Odile appliquée à soigner son flanc. On eût dit que son corps ne l’intéressait pas. Tancrède se fût montrée plus attentive.
    Mais pourquoi, tout à coup, pensait-il à sa cousine ? Pourquoi eût-il aimé savoir ce qu’elle

Weitere Kostenlose Bücher