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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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faisait présentement ? Il n’avait souci que d’une chose : qu’elle apprît en quel lieu de la Grande Île Guillaume de Rechignac purgeait son otagerie.
    Il bâilla, remua et sentit moins ses plaies. Une seule femme l’eût soigné avec un dévouement sans faiblesse. Blandine. Et c’était tout de même étrange qu’elle fît figure d’intruse dans sa mémoire alors que Tancrède s’y imposait.

VI
    Érigé sur une colline pierreuse barbelée de ronces et de chardons, Winslow semblait défier les cieux. Avec ses tours trapues, ses hautes courtines et son donjon vaguement ovale incorporé à l’enceinte et augmenté, sur l’extérieur, d’un éperon qui ajoutait à son énormité, le château présentait un aspect redoutable. De quelque endroit qu’il l’examinât, Ogier découvrait à travers la disposition de ses défenses et le massif empilement des pierres, un orgueil sans mélange, analogue à celui de son propriétaire. Il n’était pas une salle qui ne lui fît éprouver une impression sinistre. Assombri de partout par les outrages de la nature, ce vaisseau dont l’étrave était de granit brut défiait les assauts sans jamais avoir eu, sans doute, dans ses flancs, une garnison suffisante pour y faire obstacle.
    Des arbres, une prairie verdoyante, le ciel pommelé, le moutonnement paisible des brebis, les ruades et cabrades des chevaux petits, rétifs en apparence – les galloways  –, voilà ce que le convalescent découvrait par l’étroite baie de la chambre où il s’était vu transférer dès qu’il avait été jugé apte à se mouvoir seul.
    Dehors plusieurs fois par jour, il se déplaçait avec une lenteur obstinée. Tous les cinquante ou cent pas, il s’appliquait à feindre la nécessité brusque, humiliante, de s’accoter ou de s’asseoir avant de reprendre, la pause accomplie, une marche qu’il s’évertuait à maintenir chancelante afin d’endormir la vigilance de ceux et celles dont il se savait épié. Comment, dans ces conditions, ne l’eût-on pas laissé vaguer dans l’enceinte et même à l’entour de celle-ci ?
    Il avait accueilli son changement de gîte avec une impassibilité dont Odile – la messagère – s’était réjouie : « Je craignais que vous ne m’en teniez rancune. Mon père trouve inconvenant de vous laisser dans un logis somptueux dès lors que votre état s’est bellement amélioré. » La chambre qui lui avait été assignée, au second étage du donjon, eût pu convenir à un moine ; il s’en accommodait : le lit était bon, les draps et les couvertures toujours propres ; seul le guichet pratiqué dans la porte massive lui donnait motif de déplaisance. Pendant les premiers jours, il en avait aveuglé la petite grille en faisant pendre, dessus, un pourpoint noir tiré du coffre de Gauthier de Masny. Maintenant, depuis trois ou quatre semaines, il ne s’en souciait pas plus que d’Éthelinde : contrairement à son attente, elle n’apparaissait jamais. Prévenant des amours hautement scandaleuses, le baron l’avait-il enfermée ? Odile se montrait rarement ; sa circonspection manquait de naturel. Il avait cessé de s’interroger sur ce changement d’attitude. L’envie de liberté occupait son esprit.
    Matin et soir, un sergent, toujours le même et toujours muet, lui apportait sa pitance. Le vin, le pain, la viande étaient en suffisance. Il recevait parfois un pot de miel, une écuellée de compote de pommes, de poires ou de coings. En tirant tout cela de son panier de bois, Richard le Taiseux, tout englué dans son jaseran inutile, lançait au Franklin détesté un regard sec et gris d’une menaçante éloquence. Il avait plus de quarante ans ; ayant dû guerroyer à la suite du sire de Winslow ou de son gendre, il se fût méprisé de parler au captif. Les hommes d’armes du château le ralliaient dans son abomination.
    Ogier ne se méprenait pas : si quelques soudoyers le rejoignaient dans sa fuite, ils le tueraient, même s’ils avaient reçu commandement de le ramener vivant.
    Il y en avait toujours un ou deux dans son sillage lorsqu’il faisait le tour de l’enceinte extérieure.
    Née peu de temps après la bataille d’Hastings où un ancêtre d’Arthur, Conan, avait combattu pour Harold contre Guillaume, la forteresse de Winslow semblait fière de son austérité, de sa robustesse et de son esseulement. Longue de quarante toises large de trente-cinq, elle hissait dans la nue sa bannière au griffon

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