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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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son corps. Était-ce parce qu’il avait terriblement souffert et qu’il était quasiment en leur pouvoir qu’elles se montraient si attentives ?
    Face à face, elles défirent les bandes qui, passant parfois sous ses aisselles, maintenaient des charpies puantes qu’il devinait croûteuses et confondues à ses navrures. Il sentit, au-dessus de lui, un regard de connivence. Elles tirèrent en même temps. Il gémit.
    Elles rirent sans trop de malignité puis le baisèrent ensemble sur les joues afin d’obtenir son pardon. Il serra les dents pendant qu’Odile commentait :
    — À force de trop vous appuyer contre la caisse, les linges avaient adhéré aux blessures.
    — Comme elles sont profondes ! s’exclama Éthelinde.
    Elle semblait émerveillée. Elle le confirma en disant :
    — Je m’aperçois que nos archers frappent non seulement juste, mais vigoureusement… Vous avez dû crier, messire, davantage que maintenant quand ces sagettes vous pénétrèrent.
    — Je crois, dame, que mes os ont été traversés… Je n’ai pas crié : j’ai hurlé, mais c’était surtout parce que ces maudites flèches m’empêchaient de bien affronter votre Cobham !… Je ne pouvais hélas ! gauchir [65] ses coups !
    — C’est miracle, dit Odile, fortement penchée, en soufflant parfois sur les plaies afin d’en apaiser les feux, miracle, en vérité, que les pointes d’acier ne soient pas demeurées dans ces os plats que chez les porcs, on appelle palettes…
    Une joue contre l’oreiller, les paupières serrées, Ogier sentit qu’on abstergeait ses plaies, puis qu’on les séchait avec un linge doux. Éthelinde – il connaissait désormais les glissements de ses doigts – les couvrit d’un onguent dont l’odeur lui était inconnue.
    — Et voilà, dit-elle : je dépose dessus des pétales de lis macérés dans l’eau-de-vie.
    Il connaissait ce remède. À nouveau, elles le bandèrent et il sentit le ventre d’Éthelinde s’appuyer sur sa main brièvement mais fermement. Puis elles pansèrent sa poitrine, après quoi Odile soigna seule son flanc, peut-être parce qu’elle devait baisser le haut de ses braies, sans toutefois – elle s’en garda – le dénuder tout entier.
    Alors, à gestes doux, Éthelinde le rasa puis passa ses doigts indolents sur son menton, son cou, les contours de sa bouche. « Leur jouet ! » ne cessait-il de penser, bien que ces soins, ces attouchements, ces souffles unis au-dessus de sa chair lui fussent agréables. Il eût trouvé ces attentions délicieuses en d’autres lieux que ceux-ci.
    « Si je cède à Éthelinde, qui est veuve et passionnée, plutôt que de m’aider, elle voudra m’emmurer ! »
    Et Odile ? Que lui voulait-elle ? Quel autre sentiment cachait sa compassion ?
    — Nous avons achevé, soupira la puînée. Je vais moucher les chandelles… Prends tous ces linges sales, ma sœur, j’emporterai les remèdes.
    — Oui !… Je vous obéis tout comme une esclave.
    Le mécontentement d’Éthelinde s’était assorti d’une révérence où la moquerie prenait une bonne part. Odile se courba tout autant. Elles rirent d’elles-mêmes, puis de l’ébahissement d’Ogier.
    — Nous sommes ainsi, messire, dit Éthelinde.
    Quelle était leur vie à Winslow ? Y avait-il, en ce château lugubre, des écuyers avenants ? Ogier tressaillit : Éthelinde venait de lui lancer une œillade explicite – à l’insu de sa sœur occupée, la croupe en l’air, à enfouir les remèdes dans le panier.
    « Éthelinde. »
    Le nom tournoya dans sa tête où son oreille battait, battait sous le bandeau serré peut-être un peu trop fort. Éthelinde… Cette coiffure de lin, soyeuse ; ces prunelles sauvages, cette espèce de fausse candeur ; cet aspect onduleux de Vénus intouchable et cependant sujette à de fols appétits…
    — Voulez-vous, demanda-t-elle, que nous vous veillions l’une après l’autre cette nuit afin de vous être utiles en quoi que ce soit ?
    Elle était aussi suave, aussi onctueuse que les médications étalées par ses doigts légers sur des stigmates brûlants.
    — Non, dit-il, toutes deux allez vous reposer. Je suis sûr qu’un sommeil infaillible me prendra dès votre départ.
    Qui d’Éthelinde ou de lui-même s’était le plus offert ? Elle, évidemment. Parfois, sous la trame mince des vêtements, il avait senti cette chair de femme appuyée fermement contre la sienne. Quelle magnificence, il en était

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