Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
lit… Pouah !
    Pour remédier au mauvais effet des propos de sa puînée, messire Arthur, avec une affabilité incongrue entre parents, demanda si la reine avait souffert longtemps. Odile l’en assura avec des circonlocutions par lesquelles, ajoutant qu’elle était bellement soulagée de son fardeau, et comme rajeunie, elle donnait à penser que Philippa d’Angleterre s’était enlaidie et demeurait grosse comme devant, bien que sa nouvelle fille eût de qui tenir.
    La servante que le baron tenait en particulière attention – Lynda – emplit le hanap d’Ogier après celui d’Odile. Des serviteurs apportèrent des pâtés, deux volailles rôties tandis que, glissant des couches à l’alcôve, Arthur de Winslow s’inquiétait de la comtesse de Salisbury qui peut-être se trouvait à Calais. Jamais le roi n’avait fait mystère de cette passion qui l’avait conduit, en l’absence du malheureux époux, à des excès charnels dont toute la Cour s’était entretenue ; l’on pouvait donc en parler librement, même devant un Français, car la violence de ces amours-là n’avait pas manqué de franchir la mer. Le regard du baron demanda : « N’est-ce pas, messire Argouges ? » Celui de son aînée signifiait : « Tais-toi ! »
    — Éthelinde est veuve, crut bon de préciser Odile. Son époux, le chevalier Henry de Ringwood, est mort en Bretagne, à Dinan, voici maintenant cinq ans [63] .
    — J’ai voulu qu’on nous rapporte ses os ! crut bon de préciser Arthur de Winslow [64] .
    On venait d’évoquer la comtesse de Salisbury, or c’était son époux et ses hommes qui avaient assiégé Dinan, brûlé et pillé ses for-bourgs.
    — Assez parlé de guerre ! dit Odile. Père : messire Ogier s’est fellement battu. Regnault de Cobham allait l’achever quand Masny s’est interposé…
    — Et notre cousin Northampton ? coupa le baron comme si ces faits manquaient d’importance.
    — J’ai vécu chez lui avec Mère… Il m’a chargée de vous dire maintes choses agréables…
    — Mangez, messire Ogier !
    Éthelinde avait dû fréquenter la Cour tant ses manières étaient aisées. Le chevalier d’aventure qu’on l’avait sans doute contrainte d’épouser s’était complu à molester ses principes, ses façons… et son corps.
    — Je vous devine valeureux en tout, dit-elle. Vous vous seriez morfondu à Londres, auprès de Margaret de Masny… Bon appétit et que la vigueur vous revienne.
    Ogier mangea. Il avait faim. Le moindre mouvement de ses mâchoires avivait la petite douleur qui subsistait dans son oreille. Il n’osait y porter la main. À peine Odile baissait-elle son regard sur son écuelle, qu’Éthelinde le dévisageait avec une singulière attention. Sa bouche sévère, d’un rouge brillant d’émail, semblait alors solliciter la sienne.
    « Par Bacchus, quelle âpreté ! » songea Ogier en reposant son hanap.
    Le vin était aussi rude que messire Arthur. La chair des volailles avait, quoique froide, la tendreté de celles de Gratot ; le pain avait été tiré du four le matin même.
    « Si je continue à manger aussi bien, un mois me suffira pour recouvrer mes forces… »
    Peut-être parviendrait-il à rober un cheval… Mais avant de partir au galop vers la mer, il s’informerait sur son oncle Guillaume. S’il vivait, il le délivrerait. Ils iraient à vau-vent, Dieu les y aiderait.
    — J’aimerais revoir Hugh Calveley…
    —  What ? Vous le connaissez ? dit Arthur de Winslow.
    — Je puis vous assurer que nous nous sommes liés d’amitié. La guerre ne saurait engendrer que des haines.
    Un grognement : le baron désapprouvait. Éthelinde se pencha, bienveillante :
    — Savez-vous, messire, que si vos forces vous reviennent, vous pourrez jouter… sous haute surveillance, évidemment. La dernière fête d’armes a lieu fin novembre, à Ashby-de-la-Zouche. Je vous prêterai l’armure de mon défunt époux…
    — Jamais ! dit le baron. Ce serait offenser la mémoire d’Henry !
    Ogier sentit un pied tapoter le sien. Ce ne pouvait être que celui d’Éthelinde.
     
    *
     
    Haute sous son plafond de poutres peintes en grenat, espacées d’entrevous d’azur ; ronde comme la tour dont elle occupait le dernier étage, la chambre dans laquelle Ogier venait d’être amené, non sans mal, par Éthelinde et Odile, paraissait d’une somptuosité princière, bien que les faibles lueurs des candélabres n’en pussent révéler tous

Weitere Kostenlose Bücher