Le Journal D'Anne Frank
d’être découverts. Les cambriolages, la maladie, la dépendance vis-à-vis des « protecteurs » ou même du marchand de légumes, qui se fait arrêter, les bombardements, sont autant de causes d’angoisse. Anne est au courant des rafles, elle sait que les Juifs sont déportés à Westerbork. Elle a même entendu parler des chambres à gaz à la B.B.C. Pourtant c’est sur cette toile de fond cauchemardesque qu’Anne affirme sa personnalité et projette son avenir.
Ses ambitions
Anne est ambitieuse. Elle ne se satisfait pas de l’image de la femme que lui présente Mme Frank, qui à son avis se cantonne dans un rôle d’épouse et de mère, ou encore Mme Van Daan (Van Pels), qu’Anne juge sotte, vaniteuse et trop coquette avec son père. Anne s’écrit, vindicative : « J’irai bien plus loin que Mère, je ne resterai pas un être insignifiant, j’aurai ma place dans le monde. » Anne s’est déjà tracé une voie. Elle confie à son journal que son désir le plus cher est de « devenir un jour journaliste, et plus tard écrivain célèbre ». Elle ajoute qu’elle envisage de « publier un roman sur l’Annexe » et qu’elle a encore bien d’autres projets. Anne trouve dans l’écriture un grand réconfort. Cette occupation la distrait et la soulage. Le journal qu’a tenu Anne l’a certainement aidée à mieux supporter les circonstances en lui permettant de s’isoler et de prendre du recul.
Son rapport avec les autres
Anne observe en elle une dualité : Anne « la superficielle » et Anne « la tendre ». Elle s’attriste de constater qu’elle ne parvient pas à exprimer ses sentiments, à se faire connaître sous ce qu’elle estime être son vrai jour, celui qu’elle préfère. Elle s’en veut de sa maladresse et se sent incomprise de tous. Elle s’exclame, furieuse : « J’ai toujours été le clown de la famille. » Pourtant, lorsque, en présence de Peter, elle sent son masque disparaître, elle craint que cet autre aspect de sa personnalité ne déplaise. Au cours des nombreux passages où elle se débat dans ses propres contradictions, Anne reste pourtant lucide. Elle comprend ce qui la trouble, sans avoir pour autant l’expérience lui permettant de savoir que l’âge, la maturité, apporterait une réponse à la plupart des questions qu’elle se pose sur elle-même.
La première cible de sa rancœur est sa mère qui, à son avis, est incapable de comprendre ses aspirations et ses émotions. Anne en veut à sa mère d’être ce qu’elle-même se refuse à devenir. Elle s’indigne de la vision traditionaliste de Dussel et de Mme Van Daan, qui s’étonnent de ses lectures et lui disent : « Tu en sais trop long à ton âge… dépêche-toi de… décrocher un mari. » Elle se révolte contre les règles de bienséance imposées aux jeunes filles et ne voit pas pourquoi elle n’irait pas rejoindre Peter dans sa chambre le soir.
Anne s’entend mieux avec sa sœur, qui est à ses yeux un idéal de perfection. La différence d’âge entre les deux sœurs rapproche pourtant Margot de sa mère. Néanmoins, les bouleversements physiques que connaît Anne lui font partager une certaine intimité avec Margot. Il existe par ailleurs quelques occasions où la jeune génération fait bloc face aux adultes. Anne s’exclame, plus généralement : « Existent-ils, les parents capables de donner entière satisfaction à leurs enfants ? » Elle ne veut plus être considérée comme « le bébé et le chouchou ». Elle adopte souvent une attitude revendicatrice, s’estimant suffisamment adulte pour ne plus entendre de critiques sur sa conduite : « Je sais ce que je veux, j’ai un but dans la vie, je me forme une opinion, j’ai ma religion et mon amour », ou encore, de façon plus amusante : « J’ai mon idéal, j’en ai même plusieurs. » Anne se trouve ainsi fréquemment en conflit, cherchant à prouver aux autres qu’elle vaut mieux que l’opinion qu’à son avis ils ont d’elle. Elle manque d’assurance mais retrouve courage auprès de son père, qu’elle adore et dont elle parle souvent en des termes oniriques, et de Peter, le premier à qui elle ouvrira son cœur. Le regard de Peter lui fera prendre davantage conscience de la force et de l’énergie qu’il y a en elle, de ce qui la distingue d’une autre, de ce qui compte réellement pour elle. Ce sont également ses sentiments pour Peter, dont la
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