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Le lacrima Christi

Le lacrima Christi

Titel: Le lacrima Christi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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quelques pennies d'argent et un chapelet que Laus Tibi avait vendu en le faisant passer pour une relique sacrée à un échevin du Devon. Laus Tibi avait enfin pu louer un galetas à la Belette Grise, une taverne tout près du marché : nourri et logé, il pouvait s'offrir des pots de bière, et même bénéficier des faveurs d'une avenante chambrière.
    En fin de compte, pourtant, il y était demeuré trop longtemps. L'alerte avait été donnée et la place surveillée.
    Laus Tibi ferma les yeux et, furieux, grinça de ses dents jaunissantes. Il explora de la langue l'abcès qui se trouvait juste sous sa lèvre supérieure.
    — J'aurais dû faire plus attention.

    Il ouvrit les paupières, regarda le crucifix et un élan de culpabilité le transperça. Mais comment un homme tel que lui pouvait-il s'en tirer ? Il n'avait ni métier, ni maison, ni famille ; c'était voler ou mourir de faim.
    — J'aurais dû faire plus attention, répéta-t-il.
    Il glissa la main sous la chemise de lin sale qu'il avait dérobée dans un jardin où elle séchait sur une barrière. Ses doigts malpropres suivirent les contours de la flétrissure au fer rouge, « F » pour félon, infligée trois étés auparavant quand on l'avait surpris à rapiner quelques bourses près du marché de Smithfield à Londres. Si le shérif du roi la voyait, point de pitié : il serait pendu à un carrefour ! Il avait eu l'occasion de passer devant ces gibets chargés de leurs sinistres restes enduits de goudron, terrible avertissement destiné à refroidir les hors-la-loi. Néanmoins, Laus Tibi, en joueur qu'il était, avait estimé que les dés lui seraient toujours favorables... jusqu'à la semaine dernière.
    Il avait épié ce gros prêtre bouffi qui se déplaçait comme une carpe bien grasse parmi les éventaires du marché de Cantorbéry, sa chape doublée de fourrure sur le bras, une lourde escarcelle tintant comme une clochette à la ceinture de cuir qui entourait sa taille épaisse. Comme un goupil affamé traquant une oie dodue, il l'avait suivi. Il avait jeté au vent sa prudente ruse habituelle. Il n'avait jamais aimé les prêtres. Ces derniers n'avaient pas de temps à perdre avec lui. Peu nombreux étaient ceux qui s'étaient souciés de lui, moins nombreux encore ceux qui avaient fait montre de compassion. Laus Tibi avait bien l'intention de s'emparer à la fois de la chape et de la bourse. Suprême réussite ! Il avait dû filer sa proie au moins une heure. Le prêtre ne cessait de s'arrêter devant certains étals proposant des tentures et des tapisseries coûteuses venant de l'étranger.
    Quelques-unes étaient pendues devant l'éventaire, d'autres étaient roulées et protégées sous une toile. Le prêtre était fort attentif. Il examinait le tissu, le faisait rouler entre ses doigts et assaillait le marchand avide d'une salve de questions.
    — Est-ce de l'authentique fil d'argent? De quelle fabrique ?
    Il ne parvenait pas à se décider. Il avançait et reculait. Laus Tibi s'était approché. Devant une échoppe offrant du drap tissé au Brabant, le prêtre avait posé sa chape et fait un peu tourner sa ceinture. L'escarcelle qui pendait à son flanc se trouvait alors dans son dos. Laus Tibi avait tiré un couteau fin comme une aiguille du fourreau de cuir fixé à son bras sous son justaucorps usé. Le prêtre débattait du prix avec le marchand. C'était le moment ! Sur le point de conclure sa transaction, le chaland n'avait plus qu'une idée en tête : convaincre le vendeur d'accepter son prix, Laus Tibi n'avait plus conscience des conversations et des bavardages du marché, des cris rauques des apprentis, des odeurs qui montaient du tas d'ordures, des senteurs des tavernes et des boulangeries, des cloches qui sonnaient ni des faibles chants qui s'élevaient dans une église voisine. Comme un faucon en chasse il ne perdait pas sa proie de vue. Un rapide coup d'œil autour de lui : personne ne le surveillait, point de bailli. Le moment était venu. Il s'était avancé à pas furtifs sur les pavés boueux, couteau à la main. Il suffisait d'un geste rapide pour trancher les lanières qui tenaient l'escarcelle et il pourrait l'arracher, saisir la chape et se perdre dans la foule en un clin d'œil...
    Laus Tibi se leva, se dirigea vers l'entrée du jubé et scruta la nef. Il distinguait encore les deux franciscains agenouillés sur leur prie-Dieu devant la chapelle Saint-Michel et Tous-les-Anges. L'un des frères l'avait emmené

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