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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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sourit. Elle semblait libérée d'un poids.
    Mazarin sortit. Les Grands tournèrent la tête, Guitaut le guida.
    Le marquis de Chouppes jaillit de derrière un oranger ;
    - Alors, que vous avais-je prédit ?
    - Vous êtes le meilleur astrologue du royaume, marquis.
    - M‚chez le travail de la Reine et charmez la femme qui est en elle. L'affaire est aisée. Avez-vous remarqué comme la Reine est redevenue belle ?
    - Nous en reparlerons en privé.
    Le soir tombait. Marie de Hautefort se jeta aux pieds de sa souveraine qu'elle avait charge de déshabiller et de changer pour le souper.
    - Madame, ne soyez pas ingrate avec vos anciens amis exilés, avec les princes du sang de Sa Majesté, avec ceux qui ont souffert sous Richelieu... Garder Mazarin serait les...
    - Marie, nos amis sont récompensés. Sénecey remplace Brassac et Lansac à mes atours et devient gouvernante du Roi, le commandeur des Jars est revenu en cour, Chevreuse a touché
    250 000 livres, La Porte est premier valet de chambre de Sa Majesté en remplacement de Beringhen et cette charge vaut noblesse, et vous avez le privilège du tabouret comme une duchesse, plus mon amicale tendresse. Nous vous trouverons un mariage somptueux. que diriez-vous d'un maréchal ? Mais si vous voulez rester près de moi et du Roi, fermez votre jolie bouche et ouvrez ces rideaux. Le crépuscule sur Paris est si beau. Il dore la tête et la cime des églises et des palais. Marie, obéissez ou disparaissez.
    Marie blanchit et trembla. On avait changé la Reine. Le jeune Roi, heureusement, la regardait toujours avec les mêmes yeux noirs brillants de tendresse. Il était amoureux comme on l'est à
    cinq ans. Elle lui rend bien cette tendresse, ignorant que c'est là
    son seul lien avec la Régente qu'elle agace déjà, malgré leur amitié. L'amitié rend aveugle et Marie, dans toute sa dévotion pour la Reine et sa fougue gasconne à défendre ses amis, ne voit pas qu'il lui faut, elle aussi, changer.
    On va le lui apprendre, comme on a appris au jeune Roi à ne pas s'attacher, f˚t-ce à la plus ravissante et pétillante jeune amie de sa mère. Au plus grand amour que connut son père qui, pourtant, ne savait pas aimer, si ce n'est sur son lit de mort.
    L I V R E T R O I S I » M E
    LES INSTITUTEURS D'UN ROI
    Un beau dimanche de mai 1643, Louis XIV et non plus Louis Dieudonné ‚gé de presque cinq ans entreprit sa première action de Roi. Il tint son premier lit de justice au Parlement.
    Il était vêtu d'un justaucorps de velours violet, seule couleur de deuil seyant à un roi ou un prince, dessous brillait un pourpoint à
    crevés brodé d'or. Son frère Philippe aussi, bien que si petit, et tous ceux du sang, les immenses, les importants, descendants du roi Henri, les Condé et les Conti, et l'immense Beaufort qu'on disait roi des Halles au vu et à l'entendu de son langage de porte-faix ; un parterre de lilas ou de violettes, dont ils n'arboraient pas la modestie, avait envahi le Parlement de Paris.
    Maman Reine était en noir, à deux pas derrière lui, quand il s'assit sur la tribune, face aux conseillers couverts tout de rouge et d'hermine comme si la mort du Roi son père ne saurait commander un deuil au Parlement mais au contraire en exhaussait la superbe. Sa mère la Reine ne s'assit pas à son côté. Elle avait fait placer, entre leurs sièges, un autre siège qui resta vide. Un monde désormais les séparait, celui de la Gr‚ce de Dieu qui l'avait choisi mais pas encore sacré, lui, Louis le Petit qui n'était plus Dieudonné mais quatorze, le chiffre de l'éternité dans l'Antiquité, lui avait dit Pierre de La Porte, rentré d'un certain ch‚teau sombre du faubourg Saint-Antoine et d'un exil au milieu des vergers et des vignes du val de Loire, et qui semblait tout savoir ayant eu le temps de beaucoup apprendre, puisqu'on fréquentait sous le feu Cardinal de beaux esprits en prison et qu'on voyageait pour meubler l'ennui de l'exil.
    Louis s'étonna de ce vide qui le séparait d'elle, mais n'osa questionner Maman. Elle lui sourit, comme naguère quand elle exigeait quelque chose qu'il ne savait pas encore accomplir, comme écrire son nom ou bien un premier verset de prière, et qu'il y réussissait avec maladresse mais à son grand contentement.
    Il se sentit seul devant cette foule. Cela devait faire partie de la leçon. Son frère Philippe le regardait, avec un mauvais sourire qui seyait mal au bambin qu'il était encore. Pourtant j'aime mon petit frère,

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