Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
Vom Netzwerk:
la Reine soi-même. Elle a daigné
    sourire de mes forfanteries et me donner pension de 600 livres puisque j'en suis " Premier malade de Sa Majesté " il faut dire qu'elle fait là une belle économie car mon corps recèle les maux d'un hôpital entier.
    - La Reine est si bonne ; mais elle oublie le peuple. Je serai bon, et plus encore, avec le peuple. J'aime le peuple, Scarron.
    - Je suis le peuple, Gondi. Le seul spécimen qui te soit connu de cette terra incognito, pour toi.
    - Ne crois pas cela, chanoine.
    - Si Monseigneur me l'ordonne... Je suis las, Paul, désenchanté, plus souffrant qu'un galérien.
    - Chut, mon ami.
    - Votre oreille aujourd'hui n'est pas ouverte au malheur, votre oreille espère fanfare et hourra !
    - Mon oreille écoute le bruit de la ville quand vous n'écoutez que vous. Ecoutez Paris comme il vit !
    - Paris ne vit pas dans une boîte ! Moi, si !
    - Et au milieu de tentures de soie jaune, et des meilleurs mauvais esprits ; Paris, lui, vit dans la boue, dans sa merde de moutarde brune et mendie.
    - Allez-y, sermonnez-moi, mettez-vous en bouche avant la Toussaint à Saint-Jean !
    - Ne ricanez pas ! Je crois ce que je dis. Et je dirai ce que je crois.
    - Paul de Gondi, je vous connais, dites-moi à moi, votre ami, ce qui vous démange le cúur et l'esprit. Dans cette boîte, ce cercueil à roulettes, je puis être une tombe, et si je claironne quelques bons mots dans Paris, plus quelques perfidies, jamais ils ou elles ne sauraient nuire à mes amis.
    Paul de Gondi resta un instant silencieux. Il observait son ami qui baissait la tête non en signe de pénitence mais cloué ainsi par la maladie qui empirait certains jours.
    - Scarron, tu connais tout de ma vie.
    - Oui, et même ce que tu caches derrière ce que tu en inventes. Comme toi de la mienne. Il faut bien enjoliver le monde quand on est laid. Et que nul parent ne vous a jamais aimé.
    - On subit sa famille, on choisit ses amis.
    - Tu choisis aussi très bien tes ennemis.
    - Amis, ennemis, c'est la même engeance que l'on nomme le monde.
    - Et que tu parcours comme les anciens capitans espagnols sur leurs bateaux de fortune, ta soutane d'abord, claquant au vent des rues et des persiflages des hôtels, et maintenant tout camail et rochet dehors, tel un galion, que dis-je un galion, un vaisseau de haut bord, une galère amirale.
    - Scarron, tu n'es pas là pour écrire une de tes dédicaces qui valent de l'or mais pour m'entendre et deviser dans le privé.
    - Je ne suis qu'une oreille. Je ne promets rien de l'autre.
    Gondi se leva, marcha dans la chambre, examina les tentures de soie jaune et ternie.
    - Nous ne nous en sortirons pas par des mots d'esprit.
    - Bon, Paul, parlons cúur à cúur, deux cúurs qui ont bien du mérite d'accepter d'irriguer sans rel‚che nos laideurs. Mais tu perds ton temps ici, toi qui galopes les ruelles, de l'évêché au Palais royal, de la place Royale à l'hôtel de Condé, qui écoutes Monfleuri à l'hôtel de Bourgogne, lis Bensérade et la gazette de Loret.
    - Mon père, que j'estime encore et à qui j'ai pardonné cet habit que j'ai d˚ prendre, a choisi un couvent, moi j'ai élu ton ermitage avant qu'il ne se peuple afin de t'écouter distiller ton vin parfois aussi aigre que celui de Suresnes, mais tant plus charnu que celui de Bourgogne qu'il faut le couper d'eau.
    - Il faut bien, pour que je mange, offrir l'ivresse d'un bon mot. Cela me vaut chapons et gigots. Un éclat de rire de la Reine me vaut pension.
    - 1 500 livres l'an, plus un bénéfice de je ne sais quelle abbaye.
    - 600 livres seulement et c'est faux quant au bénéfice, ce n'est qu'une prébende, c'est le Mazarin qui fait courir le bruit. Il s'est servi de toi d'ailleurs !
    - De moi ! Cet Italiote !
    - D'un mot de toi quand tu colportas partout " la Reine est si bonne "... Il en outra la bonté, du moins à mon sujet.
    Paul de Gondi rit.
    - Je salue ce nouveau Machiavel. que ne puis-je le provoquer en duel !
    - Un coadjuteur ne ferraille pas contre un cardinal !
    - C'est à un coup d'épée que je dois cette mitre. Un coup d'épée fort apprécié par le feu roi Louis.
    Tu ne vas pas chanter sa gloire après l'avoir tant moqué
    chez Mme de Guéménée !
    - Ce ne sont pas les Rois qui m'insupportent mais leurs cardinaux.
    Tu finiras sous un chapeau.
    - Non, j'y débuterai !

    - Paul, l'orgueil est péché ! Mais tu te trompes. Moi, auteur comique, je te sais, toi mon ami, personnage tragique.
    Le coadjuteur haussa les épaules. Et se

Weitere Kostenlose Bücher