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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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dirigea vers la fenêtre qu'il ouvrit.
    - Referme cela, je vais mourir de froid dans ma boîte !
    - Les bruits de Paris te réchaufferont. Ils sont mon ‚tre, mon foyer, le vin de mes pensées, mon sang qui bouillonne.
    - Calme-toi. Ou ce sera la Bastille ou Vincennes, ou, pis, un couvent !
    - Alors, celui de Ninon !
    - Je crains que non. Aux Madelonettes on n'accepte que les repenties. Tu n'en prends pas le chemin et je te vois mal, avec ta face noiraude et ta barbe à six sous, te travestir en nonette.
    Tu t'ennuies, Scarron, moi aussi. Il y a là sous tes fenêtres quatre garnements qui tirent les pigeons. Les entends-tu rire ?
    - Ils ne rient pas, Gondi, tu entends aussi mal que tu vois. Ils crient comme des chiens en chasse. Car ils ne s'amusent pas à
    tuer les volatiles qui chient sur les statues de nos Rois pour leur divertissement, mais pour les manger.
    - Les pigeons de Paris sont immangeables.
    - Ces gamins nous tueraient pour manger nos souliers, dont le cuir est assez fin. Tu ignores tout de la faim.
    - Il est vrai.
    - quelles armes emploient ces jeunes Nemrod affamés ?
    - Des frondes.
    - Comme nous à Montmirail en notre enfance et aussi par-dessus les murs du collège à nuit tombée, quand nous trompions toute surveillance.
    - Nous chassions plus gros gibier : bourgeois ou prélat revenant des bouges.
    - Et nous étions fouettés... quand nous réussissions notre coup ! Nous collectionnions les chapeaux à faire voler loin des têtes.
    - Dieu, que tu visais mal ! Tu as éborgné plus d'un bourgeois ou bosselé leur front pensif en visant seulement le plumet ! quel coup de fronde as-tu dans l'esprit, Gondi ?
    - Un autre chapeau. Je le vois bien celui-là, il est tout d'écarlate.
    - Le Mazarin.
    Scarron réfléchit puis chantonna : " Un vent de fronde s'est levé ce matin, Je crois qu'il gronde contre le Mazarin... "
    - Déjà un hymne pour entrer en guerre !
    - Ne déclare pas cette guerre-là, Gondi !
    - Tu n'en serais pas ?
    - Je n'abandonne jamais mes amis quand ils entreprennent une sottise. La bêtise me désennuie. Mon ‚me a l'impression d'avoir quinze ans et mon corps croit être ingambe. Mauvais rêve.
    - Je t'expliquerai après mon prêche.
    - Prends ton temps. Et tourne tes phrases à la virevolte, qu'une fois au moins les mots dansent dans une église et ne pèsent comme du plomb.
    - J'y travaille, à la danse, et au plomb. Ce sera un sermon luisant comme un mousquet de parade.
    - Et de pétarade ! ne mets pas trop de poudre, elle pourrait t'exploser au visage.
    - Il est déjà noirci et noiraud ! Ce ne serait pas toi, par hasard, qui m'aurait surnommé Mgr Moricaud de Corinthe à cause de mon évêché in partibus ?
    Gondi rit de sa laideur. Pour cela Scarron l'aima un peu plus.
    Il le cacha bien s˚r. A quoi sert de déclarer son amitié à un ami, ce serait arroser l'océan ; pis, commettre un pléonasme.
    UN VENT DE FRONDE S'EST LEV… CE MATIN...
    Le roi Louis XIV est né quand le Discours de la méthode de M. Descartes avait un an. Le roi Louis l'ignore encore. M. Descartes évite Paris, vit aux Pays-Bas, songe à la Suède, répond aux jésuites, lie science et théologie, pense, croit, est malheureux, a peu de santé, a donné quelque idée au jeune Blaise Pascal et, pour se désennuyer et ôter ses tracas, songe au Traité des passions, une autre manière de voir la science, l'homme, l'univers, et toute déité.
    M. Descartes se sent incompris, rejeté, honni, et il l'est.
    Et se lève dans Paris qu'il visite un exemple parfait du contraire de sa Méthode. Comme si l'humain défiait la Science (et donc Dieu). La Fronde... Nul n'y comprendra jamais rien, ni ses participants, ni ses victimes, ni ses historiens. Nul historien en effet n'en tirera jamais une logique, elle eut vingt raisons, ou vingt mille, c'est tout comme, mais ne répondit à aucune règle de la Raison.
    Il n'y eut sans doute rien à comprendre.
    Sinon qu'elle fut une maladie, une de ces fièvres quartes qui bouillonnent, s'effacent et resurgissent. Fut-elle seulement une maladie ou un signe d'une maladie d'un corps o˘ chaque pustule a bien s˚r une cause, chaque abcès est le résultat d'une négligence, chaque saignement celui d'une démangeaison. Le tout, brutal comme une attaque dont la totalité est un mal aberrant. Une maladie à plaire aux médecins que fustigera bientôt Molière et qui existent déjà, une de ces maladies qui signifient le triomphe de leur profession car elle permet toute glose dans une

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