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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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nouveaux. La défécation et la miction.
    Besoins plaisirs. Il est grand plaisir à satisfaire un besoin. Il apprend vite. Un va-nu-pieds e˚t appris de même. Mgr le Dauphin apprend la nature humaine. quelque chose gêne sa gencive.
    quelque chose pousse dans sa chair. C'est dur et vivant. Sans souffrance. Le mal, la douleur (la douleur est-elle un mal ?), surgit parfois du ventre. Rien que du ventre ; il s'y fabrique quelque chose dont il n'a pas conscience mais qui existe.
    Il crie. Il pleure. Il réclame. Nul ne comprend encore que désormais le servir est lui obéir.
    Un bain, l'eau est tiède, comme dans l'avant de son apparition sur Terre ; il est nu. On le frotte, une poudre tombe en pluie de chatouilles sur sa peau, des linges à nouveau l'enveloppent. Des bras encore. Tiédeur.
    Bruits de pas cadencés, disparition du blanc remplacé par une alternance de sombre et des trouées de lumière, le jardin encore, les gardes immobiles, les feuillages vert tendre qui bruissent, un soleil qui ocelle toute cette allée, il retourne d'o˘ il est venu, quelqu'un l'a redemandé.
    Il est contre deux volumes doux, on marche, on parle fort ; on annonce dans un bruit de portes qui s'ouvrent :
    - Monseigneur le Dauphin !
    La lumière est tamisée ici, le linge plus moelleux, des bras presque hésitants puis fermes, puis plus doux encore le saisissent délicatement, le pressent contre un corps o˘ bat un cúur. Il en connaît le rythme. Et la voix qui susurre :
    - Bonjour, Monsieur mon fils.
    C'est bien. Cette voix là, qui calme et réjouit d'aise, la Voix s'imprime quelque part en lui. Il ne l'oubliera pas. La Voix va avec l'odeur et les tambours doux du cúur.
    - Je suis votre mère, Monsieur mon fils, mon gentil Dauphin.
    Je suis reine de France. Votre père est roi de France. Votre oncle, mon frère Philippe, est roi d'Espagne. Votre tante Henriette, la súur du Roi votre père, est épouse du roi Charles Ier, qui règne sur l'Angleterre. Votre tante, Madame Chrétienne, autre súur de votre père le Roi, est duchesse régente de Savoie. Votre tante Maria, ma súur, est épouse de Ferdinand empereur des Allemagnes. Un autre oncle, mon jeune frère, le Cardinal-Infant, gouverne les Flandres et les Pays-Bas. Tous sont en guerre. Vous ignorez la guerre, mon gentil Dauphin, vous ignorez qu'une Pucelle appelait ainsi de ce doux nom de gentil Dauphin un futur roi Charles VIL et que cette Pucelle battit les Anglais. Vous ignorez ce qu'est une pucelle.
    La Voix et le rire cristallin et doux qui a surgi après le son joliment modulé de pucelle. Il aime cela, un rire chez Elle.

    Comment a-t-elle dit ?
    - Je suis votre Maman et je suis la reine de France... Un jour vous serez Roi, gentil Dauphin, et je ne sais si on le devra à une pucelle. On les dit bien rares en cette Cour.
    D'autres rires venant d'autres cristaux alentour. Ils ne sont pas seuls. Jamais seuls. Il cherche, des yeux, dans ce vague brumeux, il cherche avec ses oreilles, il distingue des souffles, des mots, des ris, des bruissements de tissus, du bois qui souffre sous l'arrogance d'un talon, des entrechocs de verre ou de porcelaine, une corde qui vibre ; il cherche dans la direction de ce nouveau bruit plaisant.
    - Cela se nomme un luth et cela une guitare. On en joue des berceuses, des psaumes et des chansons d'amour.
    Il aime ce son-là aussi, il aime tout ce qu'il ne connaît pas mais il apprend vite. Il apprend tout, tout de suite. Tout un monde, ce monde qui vit autour de lui, qu'il a sans doute créé en naissant puisque, avant, il n'a rien vu ni entendu ni go˚té ni senti. Un monde à maîtriser. A posséder, à régenter. La vie qu'il a déjà
    conquise est pour lui jeu d'enfant.
    Il sursaute. Un bruit fort.
    - On tire le canon en votre honneur. On tire le canon pour avertir le monde de votre naissance. Le comte de Comminges, neveu de M. de Guitaut, galope pour aller secouer son chapeau à
    Neuilly devant le pont qui est brisé, et son plumet blanc signifie sur l'autre rive : " C'est un garçon. " On court avertir Paris. Voilà, mon fils, ce canon qui vous a fait trembler n'annonce pas la guerre mais la joie et la fête. Il vous annonce au Royaume. Et vous annonce à tous vos oncles et tantes qui régnent sur l'Europe.
    L'Europe est loin, Paris est proche et Paris br˚le. Paris tonne, chante, boit, s'énerve. Un grand feu luit sur le Pont-Neuf, toutes les cloches tonitruent, on installe des tréteaux, des nappes à même la rue, dans la " moutarde noire

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