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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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vers le pont de Neuilly. Paris doit être averti. J'envoie mon lieutenant et neveu, Comminges.
    Il se retourna à un bruit de pas et de portes qu'on ouvrait à
    deux battants, comme pour un prince du sang.
    - Ah ! dit M. de Brienne, il n'était pas attendu mais le voici !
    Le Cardinal entrait. Suivi d'un jeune homme, en qui Guitaut reconnut Cinq-Mars, et de son confesseur.
    - On le disait à Saint-quentin, murmura Brienne. Aux armées de Picardie, surveillant la Somme.
    - Il y était mais Son Eminence est o˘ il faut être et, aujourd'hui, il faut être ici. Le cardinal-infant d'Espagne n'attaquera pas alors qu'un neveu vient de lui naître. Il a envoyé ses ambassadeurs avec des présents. Il est encore des trêves qu'on se doit de respecter. Et puis notre armée est sous les ordres du maréchal de Ch‚tillon et du marquis de Brézé. Il paraît qu'on assiégera Saint-Omer.
    Guitaut abandonna Brienne, s'avança et salua l'Eminence chapeau bas.
    - Bonjour, monsieur de Guitaut.
    - C'est un bon jour il est vrai pour la France, Votre Eminence.
    - Capitaine, toujours vous parlez vrai.
    Richelieu sourit à l'homme qu'il n'avait jamais pu acheter.
    Il n'adressa qu'un signe de tête à Brienne, que le ministre savait de la coterie de la Reine. Il pénétra dans la chambre déjà fort encombrée. On fit place à l'homme en rouge.
    Le roi en second venait féliciter le premier roi de la naissance du futur roi. Et faire, sincèrement, vraiment sincèrement, avec une sorte de joie, cela se lisait dans l'aigu de son visage, et au nom du royaume qu'il régentait et défendait de toutes ses dernières forces, son compliment à la Reine. Voilà bien le premier service politique que l'Espagnole rendait à son pays d'adoption. Ce service était de taille : un garçon.
    - Madame, cet enfant entre Vos Majestés est l'ultime terme du contentement de votre ministre et serviteur. Aujourd'hui le Royaume vous doit son avenir et sa perpétuité. Permettez à un homme d'Eglise, et à un guerrier obligé par les circonstances, de se prosterner devant ce présent inestimable que vous venez de faire à votre vrai pays, la France. Le pays que vous avez conquis aujourd'hui.
    Il souriait, et ce sourire ne dissimulait nulle menace, ni ironie.
    Anne aussi lui sourit, et aujourd'hui sans se forcer, sans la contrainte de la nécessité. Les deux ennemis ou, mieux, le bourreau et sa victime partageaient alors la même pensée : l'avenir était assuré et cessait d'être suspendu à la vie d'un monarque malade. Et cette pensée partagée était la vérité.
    Puis le Duc Rouge se tourna vers le Roi :
    - Sire, cet enfant est couronné des cheveux bruns de son royal père. Dieu vous l'a donné, mais le donne aussi au monde, et, je le crois, pour de grandes choses.

    Les cheveux bruns étaient une trouvaille, Anne d'Autriche les avait ch‚tain clair. L'enfant, Mgr le Dauphin, n'appartenait donc qu'au Roi et le ministre le faisait savoir publiquement. Un Richelieu ne se refait pas.
    Ces cheveux bruns, oh, tout juste un duvet, faisaient taire aussi la rumeur qui avait enflé les couloirs du ch‚teau de Saint-Germain, les estaminets et salons de Paris et autres officines de la médisance : qui était le père puisque le Roi, n'est-ce pas, le Roi avait si longtemps ignoré la Reine ?
    - L'enfant du miracle, s'était exclamé, s˚r de la flagornerie de son bon mot, un courtisan qui ne tarderait pas à changer d'emploi.
    - Le beau miracle pour un mari de voir sa femme enfanter quand il couche avec elle, avait rétorqué le Roi.
    Le courtisan rentra sous terre, certain que dans le mois il devrait regagner les siennes avec ordre d'y rester à perpétuité.
    Son Eminence était venue décréter qu'il n'était plus question de parler de miracle ou de douter de la paternité.
    Les félicitations sincères passées - le trône était assuré, on ne cessait de le répéter dans tout le palais -, une autre lutte s'ouvrait ; une nouvelle lutte de pouvoir ; celui qu'il faudrait avoir sur cet enfant.
    Richelieu regardait Mme de Sénecey, et dans ce regard brillait déjà le départ de cette autre fidèle de la Reine et cousine de cette peste de duc de La Rochefoucauld.
    - Comme vous l'avez dit, mon éminent cousin, déclara haut et fort le Roi, et ce, sans bégayer, Dieu nous l'a donné (autant dire que la Reine n'y était pour rien). Il se nommera donc Louis Dieudonné. Nous avons fait dire au nonce que nous souhaitons que Sa Sainteté le Pape en soit le parrain.
    - Sage

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