Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
Vom Netzwerk:
promesse. Je convaincrai le Cardinal.
    Les rois ne sont-ils vraiment rois qu'au moment de leur mort, quand ils veulent lui arracher encore quelques heures de vie ? La lumière revenue, ils dépendent de la contingence et du ministre qu'ils ont choisi. Enfin, le voilà adoubé " ami " d'un Roi !
    - Le lever, Sire ?
    - Il le faut bien.
    Guitaut claqua des mains. Son roi s'agaçait de ces cérémonials empesés mais e˚t été outré qu'ils manquassent à l'appel.
    La volaille bottée pénétra dans la chambre, le sanctuaire de la royauté. Et ne manqua pas de graver en sa mémoire que le capitaine aux gardes, le petit Guitaut, minuscule nobliau d'occasion, avait passé la nuit entière au plus près de Sa Majesté. Et que Cinq-Mars était absent, abandonné encore aux bras de Morphée ou de Marion... Il était six heures pourtant.
    - Cher Guitaut, mon ami, présentez-moi la chemise.
    Le premier valet de chambre, comte depuis Philippe IV dit le Bel, blémit.
    Mon ami... Cher... Mon Dieu, les courtisans allaient se p‚mer.
    Guitaut savait qu'ils ne le quitteraient pas d'une botte de la journée. Joli cadeau royal. Le Roi offrait son rictus des bons tours joués les bons jours. Mais la journée ne faisait que commencer.
    - Et je vais voir mon fils.
    - Sire, il est tôt, et encore nuit !
    - C'est l'heure des Rois. qu'ils soient présents ou futurs.
    En chaussons, la chemise passée, le bonnet de coton à deux pointes en tête, le Roi précédé de Guitaut sortit dans le long corridor qui menait aux appartements de la Reine enceinte et de l'enfant déjà né.
    On e˚t dit une charge ou une escorte d'honneur allant recevoir la reddition d'une place. Guitaut n'aimait pas cette allure martiale frisant le ridicule par la chemise même et le bonnet de Sa Majesté.
    Le Roi ne pouvait-il attendre d'être vêtu ? Non, il était pressé, mais par quel mauvais rêve ? Louis le Pieux était superstitieux.
    Craignait-il de mourir avant de voir son Dauphin joufflu, lui l'Emacié ? quelque chose comme cela. Le jour ne pointait pas encore, on portait des flambeaux pour éclairer l'étrange troupe qui avançait vers les appartements de la Reine. Un chuchotement quinze fois répété les précédait. Guitaut brisa le pas afin de ralen-tir, qu'on ait le temps là-bas d'être prévenu, préparé.
    - qu'y a-t-il, Guitaut, votre jambe vous fait souffrir ?
    - Cela passera vite, Sire. Une attaque sournoise... une meck-lembourgeoise. Une bien vilaine danse.
    Le Roi sourit, la cuisse de Guitaut avait souffert d'un coup de mousquet tiré par un régiment allemand de l'Empire. Il ralentit toutefois le pas.
    On secouait Mme de Lansac pour tirer la rondelette paresseuse de son occupation préférée, dormir. On s'agitait chez la Brassac, la Reine buvait un chocolat et enfila une robe de chambre par-dessus sa tenue de nuit. On la peignait, voulut la coiffer d'une mantille.
    - Non, ne soyons pas trop espagnole. Louis dort-il encore ?
    - Hélas, Madame, oui.
    - Tant mieux, tant mieux... qu'on ne le réveille pas.
    Une servante zélée pourtant avait réussi, par quelque chanson-nette, à tirer le Dauphin tout hébété de sommeil imparfait vers la conscience d'une nouvelle journée.
    Les portes s'ouvrirent.
    - Le Roi !
    Une immense ombre envahit la pièce encore mal éclairée, ombre poussée par les torches qui encadraient l'apparition maigre et blanche, fantomatique, qui s'encadrait au seuil de la porte, ombre qui se multiplia sur les murs et sur le parquet quand les torchères se placèrent en quinconce, dessinant quatre démons aux bonnets cornus, décharnés dans des vêtements flottants, rayons d'un cercle infernal ayant son centre sous les pieds d'un grand diable sévère qui envahissait cette pièce o˘ flottaient des parfums de dames, de mère, de fleurs séchées en pot-pourri, et des tiédeurs corporelles de tissus froissés de qui vient d'être tiré trop tôt du lit.
    L'enfant hurla de terreur devant ce qu'il n'avait pas reconnu être son Papa. Papa le vrai était une moustache et une barbichette en pointe de flèche, un grand feutre à panache noir ou gris perle, des bottes fauves luisantes qui faisaient sur les parquets ce bruit à
    nul autre pareil, un doux roulement de tambours quand ils sont voilés de crêpe, bruit tendre et triste, mesuré, bridé, qui annonçait une visite pleine d'attentions, un sourire désenchanté, dessinant sur les lèvres minces un espoir toutefois maintenu. Un enfant sent tout cela sans le concevoir, il est un

Weitere Kostenlose Bücher