Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
Vom Netzwerk:
veut toujours unis.
    Le Dauphin sourit et cligne de l'úil, ébloui par la lumière. La paix est faite.
    Pour la première fois, Louis, roi de France, a donné un sobriquet affectueux à Louis Dieudonné, Dauphin, celui que lui donnait aussi sa mère. Cela vaut duché, pairie, et Petit Louis va avoir force de loi à la Cour.
    Une autre paix se fait. Par traité. Entre le Roi et son favori, qui n'est plus un enfant quoiqu'il en garde encore l'esprit. Cette paix-là est signée à Rueil chez l'Eminence qui se déplace le moins possible ou plutôt qu'on déplace le moins possible, comme si l'homme rouge allait se briser. Il n'est pas si fragile, mais il souffre. Et c'est le Roi, tout aussi mal fichu, qui fait le chemin de Rueil. Au moins Sa Majesté supporte-t-elle encore de chevaucher ou de rouler carrosse. Le Cardinal, lui, ne peut endurer la vie que couché ou debout. Il lit étendu sur une longue indienne, il écrit ou plutôt dicte debout, planté sur ses ergots, le jarret tendu, le visage sévère pour ne pas grimacer, passant le poids de son corps qui s'étiole d'une jambe sur l'autre. " Je suis le manant du Roi. "
    Celui qui reste : maneo en latin.
    Louis XILI a l'úil qui pétille. La souffrance de son immense ami ennemi ne lui déplaît pas. Il se sent moins seul et cette souffrance les rapproche encore. Le roi, lui, s'assoit. Cinq-Mars est derrière lui, debout, le visage gonflé de fatigue, mais portant beau une forme d'insolence et toisant son ancien maître et professeur, le redoutable cardinal, du haut de sa taille mais aussi de son arrogante santé. En lui tout est insolence en présence de ces deux corps ravagés. Mais que l'espérance est lente ! Le futur prend tout son temps.
    Le ridicule, lui, envahit le présent. Henri Ruzé d'Effiat, marquis de Cinq-Mars, Monsieur le Grand, est-il le seul à le sentir rôder entre les vignes à piquette de Rueil ? Il semblerait, c'est du moins ce que pense le chenapan venu chez le Principal Ministre signer un traité de bonne entente avec Sa Majesté. Le Cardinal tend le projet au Roi, qui lit lentement, mot à mot, comme le jeune Henri, il n'y a pas si longtemps, déchiffrait ses rudiments de latin avec son précepteur. Le Roi n'afficherait pas plus de sérieux à lire une offre de paix du Cardinal-Infant.
    - Comme d'habitude, mon cousin, votre prose est parfaite.
    Le Cardinal salue le Roi avec une raideur inaccoutumée.
    - Lis !
    Le roi tend à Cinq-Mars le traité par-dessus son épaule, las de se retourner.
    Mais le Roi l'a tutoyé. Cinq-Mars sourit et prend la feuille griffonnée de la belle cursive du secrétaire particulier de Son Eminence, à la plume élégante.
    " Nous, cy dessous signés, certifions à qui il appartiendra être très contents et satisfaits l'un de l'autre, et n'avoir jamais été en si parfaite intelligence que nous sommes à présent. En foi de quoi nous avons signé le présent certificat. "
    - qu'en penses-tu ?
    - Cela me semble fort bon, Sire.
    Il n'en croit pas un mot.
    - Parfait.
    Le Roi saisit la plume et trace : " Louis. " Ajoutant dessous son paraphe : " Par mon commandement. "
    - Signe !
    " Effiat de Cinq-Mars ", griffe Monsieur le Grand. Il se retient de hausser les épaules dans le dos du Roi car le Cardinal le fixe comme un busard fixe un serpent. Il se méfie encore, le vieux tyran... Il faut accélérer le temps.
    La Nature s'en chargea mieux que Monsieur le Grand. Le ventre de la Reine devint contre toute attente le centre de la Cour.
    Le Roi, apaisé par son fils et son favori enfin rentrés dans l'obéissance, se préoccupa de cet état. Il chassa, certes, et Cinq-Mars l'accompagna sans trop grimacer. Et l'enfant naquit. Un second fils pour Sa Majesté.
    Le Roi exulta. Il s'appellerait Philippe. Voulut en faire un comte d'Artois, en l'honneur de la belle province, riche en blé, autrefois apanage des ducs de Bourgogne et reprise aux Espagnols. Mais Philippe fut duc d'Anjou. Titre porté par les frères de Saint Louis, de Charles V et de Charles IX. Surtout en l'honneur de Saint Louis. Car Philippe était blanc de peau et noir de cheveux, Louis XILI le Pieux en réduction. On était le 21 septembre, jour d'automne. Les cloches, les canons, les feux de joie de nouveau prirent possession de Paris et des villes royales. Le Roi riait.
    Oui, riait.
    Lui qui avait craint de n'avoir pas d'enfants avait deux fils. Il pardonnait à Anne d'Autriche d'être tellement femme, puisque seule une femme pouvait lui faire un tel présent.

Weitere Kostenlose Bücher