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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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découchait chaque nuit, ne retrouvant le Roi qu'au lever de celui-ci, o˘ il b‚illait, les yeux bouffis, quand il lui tendait la chemise, souvent au grand déplaisir du premier valet de chambre dont c'était la charge cérémonielle.
    Il refusait d'aller à la chasse, jurant ne plus tuer un animal, dont la poursuite l'ennuyait. Le Roi l'ennuyait. Et le favori regardait sur le visage tourmenté par le mal qui rongeait tout le corps du souverain passer les jours de survie. On chuchotait de plus en plus que dans quelques mois, quelques semaines, peut-être... Le premier médecin, Héroard, hochait la tête.
    Le Cardinal n'était pas mieux loti. Le Cardinal qui avait pris l'orphelin sous sa protection, en avait fait un de ses pages, l'avait instruit, protégé et jeté en l'amitié du Roi. Un grand vide s'annon-
    çait au sommet du royaume. Monsieur Gaston souriait à Monsieur le Grand qui lui rendait ses sourires. Monsieur Gaston souriait à
    la Reine, esseulée, au milieu de ses chrysalides, comme le frère du Roi surnommait ses filles d'honneur, et offrait de plus en plus de cadeaux à son cher neveu le Dauphin. Le frère du Roi savait que le favori du Roi l'avait remplacé dans le cúur de la belle Marie, princesse de Gonzague, mais que le jeune homme ne le remplacerait vraiment au plus près de cette noble et riche jeune femme que s'il devenait connétable, duc et pair, principal ministre... On n'abandonne pas un prince du sang pour un petit marquis, si bien fait qu'il soit de sa personne et qui prend ses consolations chez Marion de L'Orme.
    Cinq-Mars et Monsieur attendaient que les entrailles se déchi-rent, empoisonnent le sang, détruisent les corps et emportent Louis et Armand vers un royaume plus glorieux que celui o˘ ils régnaient sans partage, celui des Cieux. Eux s'occuperaient du trône terrestre. Monsieur savait être patient, c'était son métier de frère cadet ; Cinq-Mars ignorait cette qualité. Il était lui aussi un enfant. Orphelin, il avait fait chasser une orpheline, la jolie Marie à la langue cruelle et aux yeux perçants. Il voulait déjà que son avenir apparaisse dans le présent ; et il voulait cette Marie de Gonzague, ambitieuse et fière de son état. Il s'en était ouvert à
    Richelieu, tant est fort parfois le besoin de se trouver un père, et le Cardinal après tout avait fort bien rempli ce rôle.
    - Une Gonzague n'épouse pas un petit monsieur de Cinq-Mars, aussi Ruzé soit-il, avait coupé l'Eminence avec un haussement d'épaules. Oubliez ces fumées ridicules. Et si la Princesse, elle, oublie la gloire de son rang, nous la lui rappellerons, même au couvent !
    Cinq-Mars enrageait. Il contemplait la Reine qui se consolait de la perte de ses amies en redoublant de tendresse et de jeux avec son fils. Il contemplait le Roi qui, épuisé, se déclarait las de cette guerre dont on ne voyait pas la fin et que le Cardinal attisait en faisant avorter toutes les tentatives de négociations, n'admettant que la victoire pour signer la paix.
    La Reine était espagnole, Cinq-Mars apprit cent mots de castillan. Il s'agirait un jour de faire la paix avec l'Espagne, la guerre ne durerait pas cent ans. Et ce serait son nom à lui, son nom de petit marquis, de Ruzé d'Effiat, qui serait apposé au bas du traité
    au côté de celui de la Reine devenue régente. Cinq-Mars rêvait d'un futur glorieux. Il s'acheta un carrosse orné d'or, comme le roi l'avait interdit sur toute l'étendue du royaume. qu'avait-on à
    faire des interdictions de deux agonisants en sursis ?
    Cinq-Mars enrageait, Monsieur souriait, Fontrailles, laid comme deux poux bossus mais fin diplomate, parlait, expliquait, en bon connaisseur de l'Espagne. Ils soupèrent souvent tous les trois, fort avant dans la nuit. Monsieur recevait du courrier de sa mère, et donc mère oubliée du roi, Marie de Médicis, là-bas, dans son exil de Cologne. Elle se plaignait à ce second fils tant chéri de l'indifférence de l'aîné, et de l'ingratitude de ce petit prélat dont elle avait fait la fortune, Richelieu, qui ruinait le royaume et semblait vouloir régenter l'Europe. Pourquoi Dieu ne le rappelait-Il pas à Lui ?
    On pouvait aider Dieu, c'était une sainte t‚che, libérer le Roi, qui aspirait à la paix, les campagnes l'épuisant, Cinq-Mars en avait été témoin, dans la Somme, à l'Est, en Savoie. Les trois soupeurs parlaient de paix, sans avouer que c'était d'un complot qu'il s'agissait.
    Le Roi se f‚cha avec Cinq-Mars,

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