Le lever du soleil
sont qu'au service de leur Roi... et prêts pour tous les services... Vous libérer de cet esclavage serait pour eux un devoir sacré... Et la voie la plus s˚re et la plus courte...
- Oui ? demanda Louis.
- Serait de le faire assassiner comme vous l'ordonn‚tes pour Concini, maréchal d'Ancre, que vous venez d'évoquer. quand le Cardinal viendra dans vos appartements, o˘ ses gardes ne peuvent pénétrer.
Louis s'en tint à un long silence, regarda les flammes qui montaient à l'assaut de la cheminée. Elles se reflétaient sur le sombre de ses yeux.
- L'Enfer, Henri. L'Enfer. Il est cardinal et prêtre, je serais excommunié.
- Non, Sire, si vous n'en donnez pas l'ordre, ce sont les exé-cutants qui le seront... Vous n'avez jamais ordonné à Vitry de décharger ses pistolets sur le maréchal d'Ancre au pont-levis du Louvre.
Taisez-vous, Henri. Vitry pourrit à La Bastille dont je ne puis moi-même le tirer. Oubliez-vous, mon enfant, que nous avons aussi une campagne à préparer ?
- Sire, Richelieu est le seul obstacle à cette paix que le royaume et son Roi appellent de leurs vúux. Partons en campagne, mais avant d'arriver en Roussillon nous aurons une idée.
Et puis... la route est longue et difficile pour un ministre qui ne voyage qu'en litière.
Son sourire était éblouissant. Celui du Roi un mauvais rictus, les souffrances de son " cousin " rouge ne lui déplaisaient pas même si elles ne pouvaient calmer les siennes. Au moins lui sup-portait-il le carrosse et, quand la gloire le commandait, de monter à cheval !
En février donc, sous un ciel gercé, le Roi partit en campagne pour prendre la tête de son armée et assiéger Perpignan. Cinq-Mars l'accompagnait et Richelieu s'apprêtait aussi à ce très long voyage. Le Roi y invita Monsieur qu'il ne voulait laisser s'agiter dans Paris. Son frère ren‚cla, puis céda : après tout, autant être aux premières loges du spectacle.
La route en effet était longue. Entouré de ses gardes et de ses mousquetaires, le Roi galopait quand Richelieu se traînait en litière qui nécessitait vingt-quatre paires de gros bras pour la soulever. Le Roi courait les routes et chemins quand le Cardinal devait emprunter les rivières et canaux, accompagné sur les berges par deux compagnies de ses gardes. Il se savait en danger depuis les confidences de la Reine au Père Carré. A chaque étape on élargissait à la pioche les portes ou les fenêtres pour y faire passer sa litière, on effondrait des murs, jetant en partant une poignée d'or pour les reconstruire.
Le Cardinal ne se pouvait plus lever. Il ne voyait plus le Roi, laissé aux mains des autres, dont ce foutu page de Monsieur le Grand ! Il approchait toutefois d'Arles. Envoyait des courriers au Roi, en recevait, qui ne montraient rien d'autre que le souci des affaires, sans jamais évoquer le moindre souhait pour sa santé.
Il est là entre de bien vilaines mains, et mon esprit ne peut franchir les lieues qui me séparent de lui. Il va me laisser crever.
Ou bien espère que je crève sans lui.
Le Cardinal se redressa sur ses coussins.
Il faut agir et mieux que par écrit.
C'est alors que Guitaut vint de Saint-Germain.
- Ainsi, monsieur Guitaut, la Reine est souffrante...
Le capitaine acquiesça.
- Et le Roi veut qu'elle le rejoigne. En laissant ses enfants à
Saint-Germain.
Guitaut ne dit mot.
- Connaissez-vous cette missive que vous me remettez au nom de la Reine ?
- Mot à mot, Monseigneur, au cas o˘ elle m'aurait été volée !
Vous a-t-on déjà volé un message, monsieur Guitaut ?
- Personne vivant encore ne s'en peut vanter.
- Bien bien. Alors vous savez que la Reine m'écrit : " Me séparer de mes enfants dans la tendresse de leur ‚ge m'a fait une douleur si grande que je n'ai pas assez de force pour y résister. "
A votre avis, capitaine, la Reine me demande-t-elle médecine ? Je ne suis que prêtre et ministre, pas docteur ! Et puis, pourquoi à
moi, qu'elle ne tient guère pour son ami...
- Elle vous tient, Monseigneur, pour le meilleur ami du royaume qui un jour sera celui de son fils Louis ; elle vous tient aussi en une singulière estime, que vous ne sauriez désirer plus grande.
- Ah, vous voilà diplomate, Guitaut, je croirais entendre l'ambassadeur de Venise, ce souriant Girolamo Giustiniani, dont toutes les dents resplendissent dans ses sourires comme autant de voiles des galères de sa République.
Son Eminence sourit, elle aussi, mais de toutes ses dents de
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