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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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ami.
    Le capucin sortit. Fit vingt pas loin des feux du bivouac, se retourna. Cinq-Mars grattait une guitare avec nonchalance.
    Je ne le reverrai pas, du moins vivant. Et sur le visage affreux d'un bossu coula une larme que l'homme aux mots les plus cruels de la cour de France ne songea ni à sécher ni à regretter. Il disparut entre les arbres, dans la direction de la mer dont il sentit sous sa capuche la brise fraîche au parfum iodé.
    A Saint-Germain M. de Brassac tourmentait la Reine comme on le lui avait intimé, mais, brave homme, se le reprochait. Enlever ses enfants à une mère aimante ! Jusqu'o˘ donc irait cette politique ? Politique à laquelle toutefois il devait ses gouvernements de Saintonges et d'Angoumois après une ambassade à
    Rome. Récompenses d'obéissance qui pouvaient s'évaporer comme buée. Donc Brassac obéissait. Et puis, Dieu merci, Mme de Brassac réconfortait la Reine alors que Mme de Lansac en rajoutait dans l'arrogance. Elle se voyait déjà Reine des enfants. Leur seule gouvernante. La Reine à Fontainebleau, première étape vers le Roussillon, les deux princes à Vincennes encore domicile royal avant que d'être prison, et elle maîtresse du ch‚teau.
    Anne craignit de devenir folle. Elle devint hypocrite. Profita de Brassac, son surintendant de maison qui écrivait tout ce qu'il voyait, elle le savait. Mme de Brassac, latiniste, mathématicienne, et bonne p‚te, tempérait les missives de délation que son mari, qui craignit toute sa vie qu'on lui enlev‚t ses positions, adressait de plus en plus souvent au Cardinal.
    Mais que dire de la Reine, si bonne mère, de si bonne composition, si soumise désormais aux intérêts de l'Etat c'est-à-dire du duc de Richelieu ? La vraie question demeurait : que souhaitait lire Richelieu ? Mme de Brassac, femme savante, osa avancer que Son Eminence souhaitait simplement connaître la nouvelle vérité
    de la souveraine ; à savoir qu'elle était assagie, et plus française que jamais ! Rien d'autre, sinon qu'elle souffrait d'un sérieux refroidissement.
    Cela était vrai mais volontaire. La Reine, dès que sa dernière dame était sortie de sa chambre, se relevait et ouvrait les fenêtres, s'étendait sur son lit et, en simple chemise, se livrait au froid de la nuit. Jusqu'à ce qu'un matin on la trouv‚t br˚lante de fièvre.
    Impossible pour elle d'entreprendre ce long voyage vers les armées du Roussillon. M. de Brassac pouvait en témoigner, Son Eminence s'en repaître. Et le Roi en ricaner.
    Mais l'angoisse était pire que le froid. Et si l'on s'étonnait et s'enchantait de la beauté de la Reine " en veuve ", car dans le deuil de son frère qu'elle fit durer quarante jours comme pour celui d'un Roi elle préfigurait aux yeux de beaucoup ce qui passait désormais pour inéluctable, la mort de Louis XILI, dont Perpignan, jugeait-on, serait la dernière campagne, cette beauté p‚le et amai-grie venait des craintes de se voir séparée de ses enfants, que M. de Brassac attisait quotidiennement, et ce contre son gré.

    Crainte inutile, Richelieu avait pris sa décision. Descendant lentement dans cette litière immonde et si luxueuse, il envoyait courriers, lisait dépêches, noircissait papiers, réfléchissait. Avait h‚te de rencontrer son Roi et lui mettre son nez bourbonien sur certain traité. Encore n'en avait-il que copie. Fournie sur ordre de la Reine par l'estimable Guitaut, qui, Mazarin le lui avait rapporté, dormait tout armé.
    Guitaut n'était pas un ruffian mais un homme intelligent et Son Eminence songea que Guitaut ne dormait pas avec dague sous les draps, pistolet chargé et épée nue pour sa seule sauvegarde personnelle, mais peut-être aussi pour celle du Principal Ministre, ce qui était son rôle quand il le côtoyait. Et Guitaut avait surgi au galop à ses côtés, sur ordre de la Reine. Donc...
    Donc la Reine Anne d'Autriche prenait soin, avec discrétion, de la sécurité de celui qui fut son pire ennemi.
    Richelieu comprit ou du moins se persuada qu'on songeait à
    l'assassiner et que le Roi... Il n'osa pousser sa phrase plus loin, disons que le Roi ne l'ignorait pas, mais se taisait. Alors que la Reine, elle, lui envoyait Guitaut.
    Voilà qui changeait quelques données.
    Tout s'embrouillait. Richelieu se crut dans un rapport de M. de Brassac, au style si pompeux et filandreux qu'il e˚t fallu un interprète. que ne laissait-il sa femme si instruite les rédiger !
    Le 23 mai le cardinal-duc de Richelieu

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