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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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jamais faire connaître à quiconque qu'elle avait lu le traité que Cinq-Mars, mirobolant d'excitation et de go˚t de la perdition, avait tenu à
    écrire de sa main. Là, Monsieur tiendrait peut-être parole, elle avait laissé miroiter une Lieutenance générale du Royaume, une vice-régence pour lui, et à ses côtés. Monsieur se tut, sur tout. Et sur le fait que la Reine avait reconnu aisément l'écriture d'Henri de Cinq-Mars sur ce traité o˘ si s˚r de son fait il n'obtiendrait de l'Espagne que vingt mille écus, quand Bouillon en engrangerait le triple et Gaston le sextuple.
    Le pauvre enfant, si galant, si plaisant. Comment lui dire que le jeu qu'il menait désormais se jouait contre Louis Dieudonné ?
    Livrer la France à l'Espagne, du moins une partie de ses places fortes et de ses provinces, était en priver le futur roi. Comment le joli marquis ne comprenait-il pas combien elle avait changé ?
    L'Espagne si chère était puissance étrangère.
    Il va mourir si je parle. Petit Louis aura un royaume estropié si je me tais.
    La reine de France, endeuillée de la mort d'un guerrier d'Espagne, soupirait dans la nuit de janvier, froide, glacée, étoilée.
    - Pardonnez-moi, Henri, vous auriez d˚ rester page.
    Demain matin, elle parlerait au Père Carré... Dormons. Du moins tentons. Anne avait pris sa décision.
    Louis et Philippe jouaient dans le cuveau de marbre adouci de draps fins o˘ Sa Majesté leur mère prenait son bain d'ordinaire.
    La Cour et les dames s'étonnaient d'une telle folie des bains, voilà
    qui n'était guère sain, l'eau et le savon malmenaient la peau que seuls les onguents, crèmes et parfums adoucissaient. Encore une fantaisie espagnole, la seule, il est vrai, qu'elle n'avait pas encore abandonnée. Anne d'Autriche songeait. Il faudrait supprimer les bains des fils de France, qu'elle savait pourtant bénéfiques à la santé de ses enfants. La France les préférait sales... Elle étouffa un ricanement. Pour l'instant laissons-les s'éclabousser et éclabousser l'entourage, les meubles et les parquets.
    Louis Dieudonné et Philippe riaient, vaguement étonnés que, pour cette fois, leur mère vêtue de noir ne rît point avec eux.
    La Reine attendait le Père Carré, si proche du Cardinal. Il ne tarda pas. Elle laissa les deux baigneurs aux dames, leur recommandant de les sécher et vêtir, n'ayant pourtant aucune confiance en le fait que ces dames les protégeraient ; une fois déjà, Louis avait failli se noyer, du moins avait-il bu de son bain et vomi après avoir glissé, sous leur oublieuse surveillance.
    Le Père Carré l'écoutait dévotement. Elle parlait de ses amies et amis, La Porte et Mme de Sénecey, oubliant Chevreuse délibé-rément, disant combien elle regrettait que ces deux-là du moins, et la belle Marie de Hautefort aussi, lui manquassent et manquassent par leur fidélité et leur affectueuse dévotion aux deux fils du Roi (elle s'oublia volontairement derrière l'ombre sèche de son mari). Elle comprenait, bien s˚r, que le Cardinal ne leur pardonn‚t point des péchés politiques dont elle s'avoua seule coupable par faiblesse familiale, eux n'étant que coupables de fidélité. Avec un Dauphin et un autre fils, désormais le trône avait besoin de cette fidélité et Son Eminence savait à quel point, et ce jusqu'à la Bastille, jusqu'à l'exil, ces amis de la Reine en étaient capables pour elle et, donc, pour leur futur roi.
    Le Père Carré opinait. Il désirait être convaincu et tout ce discours modeste et sincère allait dans le sens de ses conseils, ceux qu'il osait donner à Son Eminence et que Son Eminence tolérait qu'il donn‚t. Et puis la Reine en noir était fort belle, il l'imaginait déjà veuve du Roi. Elle conquerrait alors tous les cúurs... Et il songea qu'elle essayait, à travers le deuil de son jeune frère qu'elle avait aimé sincèrement, son attitude et ses vêtures de veuve du Roi. Le Père Carré avait trop longtemps fréquenté trop de politiques.
    Cette fidélité n'était pas si bien partagée dans le monde, poursuivit Anne. Carré opina plus lourdement. Ainsi s'étonnait-elle de l'ingratitude du marquis de Cinq-Mars envers son ancien protecteur à qui il devait tout ! Certes, il était bien jeune pour se mêler de politique, mais il s'en mêlait. Bien s˚r il subissait de mauvaises influences dues elles aussi à sa folle jeunesse, l'influence de l'hôtel de Rohan, ce lieu si plein de médisances des rencontres faites au

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