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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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vieil ivoire bruni, encore capables de mordre au sang, et attendit.
    - Autre chose peut-être ?
    Guitaut tira du soufflet de sa botte un second pli cacheté.
    - Oui, Monseigneur.
    - Vous avez le sens de la tragédie et de la dramaturgie. Vos bottes renferment ces machines du thé‚tre italien dont raffole ce cher Mazarini et qui font apparaître un dieu ou une nymphe. Alors, Guitaut, désir de Zeus ou plainte de Daphnis ?
    Il brisa le cachet.
    - Connaissez-vous aussi la teneur de ce pli qui voyageait dans vos bottes à secrets ?
    - Certes, Monseigneur.
    - qu'en pensez-vous ?

    - Monseigneur, je n'ai pas à penser mais à obéir.
    - Et défendre le royaume, ce que vous venez de faire une fois de plus en courant la poste de Paris jusqu'ici.
    - Ordre de la Reine...
    - La Reine, oui... Ce traité, du moins sa copie, nous vient de ses mains.
    - Pour être remis entre les vôtres quoi qu'il en co˚te au porteur, a précisé Sa Majesté.
    - Votre avis, alors, de gentilhomme et de soldat ?
    - Anne d'Autriche vient de se sacrer reine de France.
    - C'est bien dit. Sa Majesté vient de toucher " l'instinct de royauté ", comme je l'ai écrit naguère en remontrance au Roi.
    C'est un dur combat, Guitaut, même pour une descendante de l'immense Charles quint, cet instinct est presque sauvage quoique raisonné, il fait fi de toute reconnaissance et de toute fidélité.
    Même de la vôtre, peut-être.
    Il eut son sourire de vieux carnassier. Mais Guitaut savait quand Son Eminence plaisantait sans vouloir mordre, certaines de ses menaces suspendues en l'air valant cordon de l'Ordre barrant une poitrine. Il savait transformer une méchanceté, un trait de fiel en haute distinction.
    Il termina sa lecture.
    - Eh bien, mon cher capitaine, nous allons nous rendre auprès du Roi son mari. Vous m'accompagnerez, je serais honoré de votre escorte. De mon côté j'envoie d'abord une lettre à la reine Anne. Mazarini ! Monsignore Colmardo ! nous avons à écrire.
    Une svelte Eminence en rouge pénétra dans la chambre et salua (un peu trop) Guitaut, qui préférait les manières plus sèches de la maigreur allongée sur sa litière.
    - Signore Giulio, vous remonterez vers Paris et irez voir la reine Anne.
    " Deux fois "la reine Anne", songea Guitaut, deux fois en si peu de temps et si peu de mots ; la Bastille s'ouvrira bientôt sur les amis de l'ancienne Chesnelle ! et Mme de Sénecey quittera Milly et sa forêt. "
    - Mazarin, qu'on montre ses quartiers au comte de Guitaut !
    - Bien, Monseigneur... Comte, si vous voulez bien...
    Ce fut affreux. Ce qui s'ensuivit fut affreux. Ce que Guitaut vit et vécut l'épouvanta. Tout le reste de son ‚ge, et cet ‚ge fut long (le petit Dauphin était déjà grand Roi, et le plus grand Roi de son siècle quand Guitaut rendit son ‚me à Dieu), Guitaut se souviendrait, dans ses insomnies, dans ses cauchemars, voire au plus fort des combats qu'il mènerait encore, de la haine dans les regards que son Roi posa sur son ministre et bourreau.
    Les temps étaient sauvages, pensera-t-il plus tard, et contera-t-il à ses neveux qu'il avait richement installés, et auxquels il avait fourni les meilleurs établissements que nobliau puisse espérer, à
    eux et à leurs enfants, et un soir même à la marquise de Sévigné
    qui montrait quelque tendresse et respect pour ce vieux soldat aux manières si courtoises, alliant la force des gens vivant au bivouac à l'élégance de ceux qui se frottent à la Cour. Ce fut une vengeance sauvage plus que de la justice, bien que Cinq-Mars f˚t coupable. On trancha deux jeunes vies, Cinq-Mars l'arrogant, De Thou le doux, l'inquiet, l'ami, dans un dernier duel entre deux vieillards malades. Comme si le jeune sang versé allait couler dans leurs veines et les fortifier.
    Guitaut le capitaine boiteux aux cent combats pensa qu'il vivait là ce qu'il haÔssait dans la guerre, son seul métier, un carnage.
    Il tira de sa poche un médaillon, qu'il contempla en silence.
    Puis disposa un pistolet sous son oreiller, une dague sous le drap, là o˘ se poserait sa dextre, laissa une épée nue à son chevet.
    Il e˚t détesté la douleur de Mme de Sénecey - le médaillon la représentait à vingt-cinq ans - apprenant son assassinat. Il allait être celui qui en savait trop. Métier dangereux dans le monde.
    Il tenait aussi à ce qu'on ne tu‚t point un autre homme, tout de rouge vêtu et à qui il devait sa foi de soldat.
    Guitaut tenta alors de dormir.
    PARFOIS LES MOTS SONT DES

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