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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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HACHES
    Depuis longtemps il n'y avait eu, dans les guerres, siège plus courtois que celui de Perpignan. Louis XILI s'y sentait l'égal du roi chevalier, François Ier, dont en secret il admira toujours la grandeur, l'honneur, la prestance, le panache jusque dans les désastres de Pavie. Louis admirait les hommes dans la défaite tout en craignant celle-ci, et tout en aspirant à elle pour sa dimension tragique et chrétienne. Louis gardait ses admirations secrètes, un roi n'ad-mirait pas ; mais tout homme, et surtout tout ancien enfant qui fut malmené par sa mère comme par l'Histoire, a besoin d'admirer.
    La seule partie visible de cet esprit en iceberg était l'admiration contrainte, agaçante mais fidèle qu'il accordait à son éminent
    " cousin " Richelieu. Tout en ayant, devant son cher Henri, marquis de Cinq-Mars, laissé dire qu'il serait bon de l'assassiner. Et avoué que la tenaille de l'Eminence meurtrissait sa royauté. Ce qui était vrai mais qui ne saurait être un ordre, plutôt le soupir d'un corps malade et d'une ‚me tourmentée.
    Mais devant Perpignan, Louis se ragaillardissait. Il regardait le campement des vingt-deux mille fantassins, de quatre mille cavaliers, dont quinze cents gentilshommes volontaires qui avaient désiré l'honneur de participer à l'ajout, à sa couronne, du fleuron du Roussillon.
    quinze cents gentilshommes dont trois cents habitués de la Cour s'amusaient, jouaient de la guitare et aux cartes, enchantaient le Roi de bons mots pleins de fiel qui paraissait miel pendant que Perpignan qui se serait tant voulu française déjà allait vers la famine. A la table sous la tente du Roi, on dînait fort bien, même si Sa Majesté se contentait le plus souvent d'un bouillon de poule et d'un verre de banyuls qui lui redonnait couleurs. Voir manger ces santés de fer près de lui ne suscitait aucune jalousie. Les soldats avaient tout son respect et tant mieux s'ils faisaient bombance.
    On soupait encore mieux à la table de Monsieur le Grand, le jeune Cinq-Mars qui, sans les conseils modérateurs de la princesse Marie de Gonzague qui, bien qu'elle s˚t qu'elle ne se donnerait jamais à lui, suppléait le désir qu'elle avait de se donner pourtant en servant d'‚me et de pare-feu aux sottises de cet amant impossible, se montrait arrogant, insupportable, menteur et désastreusement puéril.
    Un soir, au souper, on accorda asile à un capucin mal attifé, mal formé et bossu qui disait se rendre en pèlerinage. Dieu fut clément et le Roi ne le vit pas. C'était le marquis de Fontrailles, travesti en saint homme, porteur d'inquiétudes sortant du four.
    Le capucin but et mangea, dut bénir une compagnie, évita Cinq-Mars tout en écoutant ses vantardises et bons mots - c'est-à-dire les plus méchants et si traditionnels - sur le cul du Cardinal et l'haleine du Roi. Fontrailles le retrouva après souper, pour l'aver-tir que l'affaire était connue de tout Paris aussi assurément qu'on sait que la Seine y coule sous le Pont-Neuf. qu'il s'agissait d'abandonner le projet, de br˚ler l'accord et que lui fuyait. Vers un bateau qui le mènerait non en Espagne mais en Angleterre.
    - Filez à Sedan, Monsieur le Grand.
    - Non. Un sourire au Roi, tout sera gommé.
    - Ne croyez pas cela. Abandonnez toute croyance ancienne, nous sommes perdus et nous perdrons la tête. Richelieu sait tout.
    Et Monsieur nous trahira.
    - qu'importe, mon ami. Le Roi va prendre Perpignan, et sa gloire lui fait tout oublier. Le Duc Rouge crève à petit feu en descendant le long du Rhône torturé par mille souffrances qui ne sont rien à côté de ce qui l'attend en enfer.
    - Marquis, tu as déjà perdu la tête ! Le Roi te hait désormais et tu ne le vois pas ! Tes dernières arrogances le poussent à bout.
    - Je raccommoderai.
    - On ne raccommode pas une tête tranchée. Et je tiens à la mienne, f˚t-elle si mal plantée qu'elle déplaît tant qu'on m'interdit de paraître devant les enfants.
    Cinq-Mars lui versa un verre de vin.
    - Bois, Fontrailles ! Oublie tes peurs. Tu surpasses de Thou !
    Son Immense Inquiétude soi-même est plus sereine que toi.
    - De Thou est du Parlement, les juges n'oseront l'envoyer au billot. Et puis il tenta toujours de nous dissuader, on lui en saura gré. Va à Sedan, Monsieur le Grand ! Chez Bouillon qui lui est aux armées d'Italie, bien loin d'ici ! Tu es seul dans la tanière du loup.
    - Je sens son odeur de fauve d'ici, il est vrai.
    - Moi je pars !

    - Bon voyage, fidèle

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