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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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chevet de Marion, mais, plus grave, de celle du duc de Bouillon, prince imposant, de De Thou, dont l'intelligence était dangereuse en politique, qu'on se souvienne de son libelle de protestation lorsque le Parlement avait décrété l'absolutisme du pouvoir royal, il y a deux ans, le 21 février 1640 ; et les mauvaises influences que subissait ce charmant marquis de Cinq-Mars venaient de plus haut encore, dans la royale famille...
    Le Père Carré était tout ouÔe... Bouillon, Monsieur, de Thou...
    Ennemis jurés du Cardinal, et Marie de Gonzague, les Rohan et ce Gondi contrefait...
    La Reine ajouta aussi, au registre des nabots fort laids, le marquis de Fontrailles, hautain détestable et haineux mais si bon connaisseur d'Espagne. Et si dangereusement intelligent.
    Le Père Carré ouvrit grand les yeux. Ses oreilles ne pouvaient croire recevoir tant de noms de la bouche de la Reine. Il examinait le visage de la Majesté. Elle était sincère, il en e˚t juré devant Dieu. Et elle dénonçait là une conspiration. Il se montra presque impoli de se retirer si vite de sa présence pour se ruer à Rueil. La Reine le lui pardonnait bien volontiers. Elle soupira. Le Cardinal saurait tout dans les deux heures... Tous les noms. Elle retourna dans la chambre du bain et se lava les mains dans les eaux de ses enfants. Ses belles mains sentaient le parfum de ses fils mêlé de savon doux. Sous un ongle la peau avait rougi, elle y vit comme une minuscule tache de sang.
    Elle avait besoin de Guitaut. Un réconfort. Guitaut. Une statue bifrons de la bienveillance et de la morale.
    Elle entendit des cris de joie, qu'elle jugea hors de saison dans son deuil. Mais comment des enfants pourraient-ils pleurer un oncle qu'ils ne connaissaient pas ?
    Louis jouait les pages, pis qu'un page, un valet, un porte-manteau comme ce cher Pierre La Porte tenant la traîne d'une fillette qu'Anne ne reconnut pas sous les dentelles dont on l'avait affu-blée. Et Philippe d'Anjou, maladroit sur ses pattes, bombait son torse de moineau pour jouer les importants. Elle sourit. Puis réfléchit.
    Elle saisit tendrement Petit Louis par la main. Posa un baiser sur le front de Philippe et l'entraîna avec son frère aîné. Elle fit donner des confiseries à la petite fille, enfant d'une femme des cuisines apprit-elle, et convoqua Lansac et Brassac à se présenter en ses appartements dans le quart d'heure suivant.
    Elle fit ôter la livrée de Louis, le cordon bleu de Philippe. Leurs yeux immenses fixaient ce visage maternel doux mais empreint d'une fermeté qui les inquiétait quelque peu. Les enfants n'osaient bouger. Elle soupira, leur sourit. Pourtant il lui fallait gronder.
    Son père grondait-il, lui qui fut roi d'un empire sur trois conti-nents ? Oui et non. Il expliquait, sans punir. Elle se souvint de ses craintes de petite fille qui se terminaient, après le sermon, non ce n'était pas un sermon mais une leçon, par des embrassades.
    - Louis...
    Le Dauphin se tint plus droit. Elle sourit.
    - Et vous Philippe...
    Le bambin tenta d'atteindre l'allure fière de son grand frère.
    Elle faillit pouffer, mais leurs attitudes justifiaient la leçon.
    Vous aimez cette fillette ? Jouez-vous souvent avec elle ?
    Tous les jours, ma Maman, après le go˚ter. Elle a un si joli port... Et sait chanter.
    - Oui, Louis, elle est charmante. Mais venez tous les deux, je vais vous expliquer. Philippe, vous êtes duc d'Anjou et fils du roi et de la reine de France.

    - Oui, ma Maman.
    - Bien... Vous, Louis, êtes le Dauphin, c'est-à-dire le futur roi de France.
    - Louis XIV, ma Maman, Louis XIV, Papa me l'a dit en me demandant de patienter un peu.
    Anne s'en souvenait. Le Roi avait même souri. Avec cette tendresse triste qui pouvait désormais le rendre si touchant même pour cette femme qu'il n'avait jamais aimée.
    - Oui, Louis XIV. Et Philippe sera Monsieur, frère du Roi.
    - A moins que grand Petit Louis mour˚t dit le bambin, et je serai le Roi tout seul.
    - A moins qu'il ne meure, mon chéri, meure, certes, mais Petit Louis ne mourra pas !
    - Pourquoi?
    - Parce que Dieu ne le veut pas !
    - Mais Dieu veut que Papa mour˚t ?
    - quand il sera vieux... (Elle réfléchit.) quand il aura fini de vivre. Vous, Louis et toi, vous commencez votre vie. Votre Papa le Roi va terminer la sienne. Dieu respecte les ‚ges.
    Vous avez l'‚ge de Papa m'a-t-on dit, ma Maman, dit Louis.
    - Oui, mon fils, mais Dieu garde parfois les mamans jusqu'à
    ce que les enfants soient

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