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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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que soldat. Seul le pouvoir est terrible. Moi j'obéis, je vois, je combats.
    - Il n'est plus rien à combattre ici, mais tout à voir. Vous regretterez de l'avoir vu.
    - Je sais.
    - Vous savez tout.
    - Non, mais qu'un duc et prince de Sedan se donne le ridicule de se cacher dans des bottes de foin au milieu d'une armée en Italie m'accable !
    - Ah, oui, Bouillon ! Certes, la farce manque de panache. Se cacher dans les fourrages de l'armée à Casale, voilà qui sent son ‚ne. quelle bassesse d'‚me ! Mes derniers ennemis sont des histrions. Je méritais mieux. Mais, Guitaut, nous ne sommes plus au temps des chevaliers. Louis XILI est le dernier héritier de François Ier. Le monde a changé, votre monde, et celui dans lequel je suis né, moi aussi, et le Roi, et la Reine qui, infante, fut élevée comme un prince du sang, un prince de guerre. Oui, Guitaut, j'ai bien dit " la Reine ". (Le Cardinal sourit sans trop grimacer.) Elle aussi est de notre race. Vous l'aimez. Depuis toujours. quand elle me combattait, quand elle combattait son roi et époux, quand elle... trahissait. Trahissait-elle ? Elle est Habsbourg, après tout.
    Son sang, son rang la menaient. Aujourd'hui elle a sauvé le Roi, le royaume et moi-même, et l'avenir que ni moi ni le Roi ne verrons. Vous si. Sans doute. Restez près d'elle, cette tragédie finie, elle croit encore aux chevaliers, bien qu'elle ait enfin compris la nouvelle politique.
    - J'y serai jusqu'à ma mort.
    Tenez. (C'était un diamant.) Prenez, vous dis-je ! Elle l'a donné un jour à M. d'Artagnan, qui était mousquetaire. Vous le connaissez.
    - Nous sommes gascons ! Et nous sommes parfois amis, en certaines circonstances.
    - Comme à Corbie ?
    - Comme au Pas-de-Suse, aussi, au plus près du Roi, comme à La Rochelle également, sous les ordres de Votre Eminence.
    - Prenez ce diamant. D'Artagnan a d˚ le vendre pour payer je ne sais quoi. Gardez-le ou le lui rendez ! il est à vous désormais.
    C'est moi qui l'ai fait racheter à un banquier chez lequel il l'avait mis en gage.
    - Je le rendrai à la Reine.
    Richelieu resta silencieux un instant.
    - Oui. Peut-être. Il lui venait du duc de Buckingham.
    M. Guitaut, libéré du service pour deux heures, écrivit. Il écrivait à Marie-Catherine de Sénecey. Le cúur du vieux soldat fondait. Il conta tout bientôt, passant outre les phrases de tendresse profonde. Il conta Bouillon en son tas de foin, il conta Cinq-Mars élégant dans son carrosse à grille bavardant avec Comminges, il conta le diamant, sachant que la Reine l'apprendrait et en aurait deux secondes de bonheur. Le diamant lui fit songer à faire fortune pour agrémenter la vie de Mme de Sénecey. Il n'en imagina pas le moyen. Il écrivit et rêva, ce qui n'était en rien son ordinaire. Et on lui annonça l'approche du Roi.
    Le Cardinal l'appela :
    - Guitaut, il est un placard derrière ce rideau. On s'y tiendrait à l'aise.
    On était le 28 juin.
    On fit installer deux lits à baldaquin. Le voyage, les orages, la fatigue d'un siège avaient épuisé le Roi. Le Cardinal retombait lui aussi en sa terrible fatigue traversée de douleurs. Ainsi restèrent-ils quatre heures interrompues par des prises de bouillon de poulet qui les nourrissaient à peine et les torturaient beaucoup.
    Ils parlèrent.
    Le Roi avait-il envisagé le meurtre de son ministre ? Il mentit.
    Le Roi envisageait-il de sauver la tête de son favori ? Il hésita.
    Alors on conta tout : les horreurs dites sur la mauvaise haleine, le corps immonde de Sa Majesté, son go˚t dénaturé pour la chasse, l'ennui qu'elle procurait. Et ce fameux " Il traîne " !
    Le Roi se souvint du corps nu et huilé de parfums du jeune homme un soir o˘ il partageait sa couche, oh, sans caresses, et haÔt ces parfums qui l'avaient enchanté mais étaient avant tout destinés, il le comprit, à cacher sa propre odeur. Et puis ce " Il traîne " !
    Alors le roi Louis le Juste se laissa aller à la plus terrible haine ; une de celles qu'il n'avait jamais conçues sinon pour sa mère il y avait longtemps, mais qui sommeillaient, latentes, vipères enroulées dans le froid d'un cúur. Jamais il n'avait haÔ sa femme, simplement détestée et ignorée. La haine s'éveilla, ouvrit un úil, darda sa langue bifide. L'aspic avait cessé d'hiberner.
    - Le billot ; mon cousin, le billot !
    - Oui, Sire. Il y aura un billot.
    - Deux ! de Thou aussi ! Et des juges choisis. Il ne s'agit plus de justice mais de vengeance !
    - De Thou, Sire, est

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