Le lever du soleil
Siouzac dont il fut l'amant.
On arrêta de Thou, le Roi avait signé enfin, pensant son favori à l'abri. Le comte de Charost le traquait, on le lui apprit. Le lendemain on sonnait trompe et battait tambour que quiconque cacherait Monsieur le Grand serait arrêté et exécuté. Dans son grenier, Cinq-Mars apprit par une autre lettre non signée qu'une porte de la ville n'était point fermée. Il envoya un valet, qui au lieu de courir les murailles se rendit à l'estaminet o˘ tout se savait. Et revint dire que toutes portes étaient closes. On ne savait pas tout dans les estaminets. Seul le Roi savait qu'une porte restait ouverte, attendant le maréchal de Meilleraye et son armée qui venaient de prendre Collioure. Le Roi avait ouvert une dernière fois la volière pour que s'envole son amant pie-grièche. Un lieutenant des gardes et une compagnie saisirent Cinq-Mars sous un lit. La dame de Siouzac et son mari l'avaient dénoncé.
- Faut-il mourir à vingt-deux ans ? demanda-t-il à
Comminges (c'était lui) qui n'en comptait qu'un de plus.
- Fallait-il, Monsieur le Grand, conspirer contre sa patrie et son Roi de si bonne heure ?
Ils continuèrent en bavardant dans un carrosse grillagé vers la forteresse de Montpellier.
Dans les quarante feuillets du Cardinal alité au Roi en guerre, deux concernaient Monsieur.
Le Roi envoya à son frère une lettre le faisant commandant général des armées de Lorraine qui venaient d'être défaites à
Honnencourt et lui ordonnant de reprendre la place pour la gloire et l'honneur de nos armes.
Louis avait suivi à la lettre le conseil du Cardinal : offrons une marque de confiance énorme à Monsieur et il ne passera pas en Espagne.
Monsieur remercia en une missive d'une grande bassesse, parlant de " Monsieur le Grand comme de l'homme du monde le plus coupable. Les gr‚ces qu'il recevait de Votre Majesté m'ont toujours fait garder de lui et de ses artifices. "
Louis cracha sur le sceau de son frère.
Et Louis, seul, éloignant tout valet, br˚la lui-même des liasses de papiers dans une cheminée. Il retrouva le plaisir de ses travaux manuels quand il se réfugiait loin des engeances dans les combles du Louvre, usinant une épée, cousant une tapisserie, limant un outil. Au plaisir s'ajoutait la délectation morose de br˚ler les traces d'un des plus grands amours vierges de sa vie. Et celle d'approcher la mort violente d'un autre.
Le 1er juin, la Gazette de M. Renaudot fut lue par Bois d'Arcy à la Bastille devant la société des amis de M. Bassompierre. On y contait tout du complot, on y lisait la liste des conjurés (sauf Monsieur). Les comtes se taisaient, le maréchal de Vitry ne dit mot, La Porte ouvrait des yeux grandis d'épouvante ; ainsi sa Reine avait pactisé avec l'ennemi juré. Lui avait compris, étant le mieux informé. Il jeta un úil à des Jars qui hocha simplement la tête.
M. de Bassompierre se tut quelques minutes. Puis souffla :
- Les pauvres sots ! mais surtout le pauvre enfant.
Cinq-Mars ignora qu'un vieillard, compagnon d'Henri IV, fut la seule personne du royaume à exprimer une pensée affectueuse pour lui et sa folie.
Le lendemain M. Vautier fut libéré et vint faire ses adieux à
ces nobles personnes qui l'avaient reçu comme un frère. La reine mère se mourait à Cologne et Richelieu lui envoyait le médecin en qui elle avait confiance. Vautier serait la seule personne amicale présente pour adoucir son agonie.
Richelieu à Tarascon réussit à se tenir assis. Il avait élargi le médecin favori de la vieille femme qui l'avait lancé à la conquête du pouvoir, par bêtise plus que par générosité, mais il lui devait bien ce réconfort. Cette ‚me de fer s'émut de la mort de son ancienne protectrice, car elle lui laissait par testament, et le lui avait fait savoir, le perroquet que jadis lui-même lui avait offert.
Guitaut était à ses côtés.
- Vous allez, cher comte, pouvoir prendre du repos et retourner près de la Reine et du Dauphin et du petit Monsieur.
- Pas avant, Monseigneur, que le Roi n'arrive car il est en chemin vers Tarascon et n'a plus à cette heure de " vrai " capitaine des gardes.
- Non, Guitaut. Vous voulez assister à la fin de la pièce. Ce ne sera pas une tragédie, mon ami, ce sera un massacre !
- Je sais.
Richelieu regarda celui qu'il avait presque supplié d'être son garde du corps quand on voulait l'assassiner (avec l'accord muet du Roi).
- Etes-vous si terrible capitaine ?
- Je ne suis
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