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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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France. Or, qui donc en était mieux instruit que le comte
d’Artois ? Parce qu’il pouvait être utile, ses malheurs inspiraient la
compassion.
    — Sire, mon cousin, avait-il
dit à Édouard III, si vous jugez que ma présence en votre royaume vous
doive créer ou péril ou nuisance, livrez-moi à la haine de Philippe, le roi mal
trouvé. Je n’aurai point à me plaindre de vous, qui m’avez fait si grande
hospitalité ; je n’aurai à blâmer que moi-même pour ce que j’ai, contre le
bon droit, donné le trône à ce méchant Philippe au lieu de le faire octroyer à
vous-même que je ne connaissais pas assez.
    Et cela était prononcé la main
largement étalée sur le cœur, et le buste ployé.
    Édouard III avait répondu
calmement :
    — Mon cousin, vous êtes mon
hôte, et vous m’êtes fort précieux par vos conseils. En vous livrant au roi de
France je serais l’ennemi de mon honneur autant que de mon intérêt. Et puis,
vous êtes accueilli au royaume d’Angleterre et non pas en duché de Guyenne…
Suzeraineté de France ici ne vaut pas.
    La demande de Philippe VI fut
laissée sans réponse.
    Et jour après jour, Robert put
poursuivre son œuvre de persuasion. Il versait le poison de la tentation dans
l’oreille d’Édouard ou celle de ses conseillers. Il entrait en disant :
    — Je salue le vrai roi de
France…
    Il ne manquait pas une occasion de
démontrer que la loi salique n’avait été qu’une invention de circonstance et
que les droits d’Édouard à la couronne de Hugues Capet étaient les mieux
fondés.
    À la seconde sommation qui lui fut
faite de livrer Robert, Édouard III ne répondit autrement qu’en accordant
à l’exilé la jouissance de trois châteaux et douze cents marcs de pension [28] .
    C’était le temps d’ailleurs où
Édouard témoignait sa gratitude à tous ceux qui l’avaient bien servi, où il
nommait son ami William Montaigu comte de Salisbury, et distribuait titres et
rentes aux jeunes Lords qui l’avaient aidé dans l’affaire de Nottingham.
    Une troisième fois, Philippe VI
envoya son grand maître des arbalétriers signifier au sénéchal de Guyenne, pour
le roi d’Angleterre, qu’on eût à rendre Robert d’Artois, ennemi mortel du
royaume de France, faute de quoi, à quinzaine échue, le duché serait séquestré.
    — J’attendais bien cela !
s’écria Robert. Ce grand niais de Philippe n’a d’autre idée que de répéter ce
que j’inventai naguère, cher Sire Édouard, contre votre père ; donner un
ordre qui offense le droit, puis séquestrer pour défaut d’exécution de cet
ordre, et, par le séquestre imposer ou l’humiliation ou la guerre. Seulement,
aujourd’hui, l’Angleterre a un roi qui véritablement règne, et la France n’a
plus Robert d’Artois.
    Il n’ajoutait pas : « Et
naguère il y avait en France un exilé qui jouait tout juste le rôle que je joue
ici, et c’était Mortimer ! »
    Robert avait réussi au-delà de ses
espérances ; il devenait la cause même du conflit qu’il rêvait de voir
éclater ; sa personne revêtait une importance capitale ; et pour
aborder ce conflit, il proposait sa doctrine : faire revendiquer par le
roi d’Angleterre la couronne de France.
    Voilà pourquoi ce jour de septembre
1337, sur les degrés de Westminster Hall, Robert d’Artois, manches déployées et
pareil à un oiseau d’orage, devant les nervures du grand vitrail, s’adressait
sur la demande du roi au Parlement britannique. Entraîné par trente ans de
procédure, il parlait sans documents ni notes.
    Ceux des délégués qui n’entendaient
pas parfaitement le français prenaient de leurs voisins la traduction de
certains passages.
    À mesure que le comte d’Artois
développait son discours, les silences se faisaient plus denses dans
l’assemblée, ou bien les murmures plus intenses, quand quelque révélation
frappait les esprits. Que de choses surprenantes ! Deux peuples vivent,
séparés seulement par un étroit bras de mer ; les princes des deux cours
se marient entre eux ; les barons d’ici ont des terres là-bas ; les
marchands circulent d’une nation à l’autre… et l’on ne sait rien, au fond, de
ce qui se passe chez le voisin !
    Ainsi la règle : « France
ne peut à femme être remise ni par femme transmise » n’était nullement
tirée des anciennes coutumes ; c’était juste trouvaille d’humeur lancée
par un vieux rabâcheur de connétable, lors de la

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