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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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succession, vingt ans plus
tôt, d’un roi assassiné. Oui, Louis Dixième, le Hutin, avait été assassiné.
Robert d’Artois le proclamait et nommait sa meurtrière.
    — Je la connaissais bien, elle
était ma tante, et m’a volé mon héritage !
    L’histoire des crimes commis par les
princes français, le récit des scandales de la cour capétienne, Robert s’en
servait pour épicer son discours, et les députés au Parlement d’Angleterre en
frémissaient d’indignation et d’effroi, comme s’ils tenaient pour rien les
horreurs accomplies sur leur propre sol et par leurs propres princes.
    Et Robert poursuivait sa
démonstration, défendant les thèses exactement inverses à celles qu’il avait
soutenues naguère en faveur de Philippe de Valois, et avec une égale
conviction.
    Donc, à la mort du roi
Charles IV, dernier fils de Philippe le Bel, et si même on avait voulu
tenir compte de la répugnance des barons français à voir femme régner, la
couronne de France devait, en toute équité, revenir, à travers la reine
Isabelle, au seul mâle de la lignée directe…
    L’immense manteau rouge pivota
devant les yeux des Anglais tout saisis ; Robert s’était tourné vers le
roi. D’un coup il se laissa tomber, le genou sur la pierre.
    — … revenir à vous, noble
Sire Édouard, roi d’Angleterre, en qui je reconnais et salue le véritable roi
de France !
    On n’avait pas ressenti émotion plus
intense depuis le mariage d’York. On annonçait aux Anglais que leur souverain
pouvait prétendre à un royaume plus grand du double, plus riche du
triple ! C’était comme si la fortune de chacun, la dignité de chacun s’en
trouvaient augmentées d’autant.
    Mais Robert savait qu’il ne faut pas
laisser s’épuiser l’enthousiasme des foules. Déjà il se relevait et rappelait
qu’au moment de la succession de Charles IV, le roi Édouard avait envoyé,
pour faire valoir ses droits, de hauts et respectés évêques, dont Monseigneur
Adam Orleton qui aurait pu en témoigner de vive voix, s’il n’eût été
présentement en Avignon, à ce même propos et pour obtenir l’appui du pape.
    Et son propre rôle, à lui Robert,
dans la désignation de Philippe de Valois, devait-il le passer sous
silence ? Rien n’avait mieux servi le géant, tout au long de sa vie, que
la fausse franchise. Ce jour-là il en usa encore.
    Qui donc avait refusé d’entendre les
docteurs anglais ? Qui avait repoussé leurs prétentions ? Qui les
avait empêchés de faire valoir leurs raisons devant les barons de France ?
Robert, de ses deux énormes poings, se frappa la poitrine :
    — Moi, mes nobles Lords et
squires, moi qui suis devant vous, qui, croyant agir pour le bien, et la paix,
ai choisi l’injuste plutôt que le juste, et qui n’ai pas assez expié cette
faute par tous les malheurs qui me sont advenus.
    Sa voix, répercutée par les
charpentes, roulait jusqu’au bout du Hall.
    Pouvait-il apporter à sa thèse un
argument plus probant ? Il s’accusait d’avoir fait élire Philippe VI
contre le bon droit ; il plaidait coupable, mais présentait sa défense.
Philippe de Valois, avant d’être roi, lui avait promis que toutes choses
seraient remises en ordre équitable, qu’une paix définitive serait établie
laissant au roi d’Angleterre la jouissance de toute la Guyenne, qu’en Flandre
des libertés seraient consenties qui rendraient prospérité au commerce, et qu’à
lui-même l’Artois serait restitué. Donc c’était dans un but de conciliation et
pour le bonheur général que Robert avait agi de la sorte. Mais il était bien
prouvé que l’on ne doit se fonder que sur le droit, et non sur les fallacieuses
promesses des hommes, puisqu’au jour présent l’héritier d’Artois était un
proscrit, la Flandre affamée, et la Guyenne menacée de séquestre !
    Alors, si l’on devait aller à la
guerre, que ce ne soit plus pour vaines querelles d’hommage lige ou non lige,
de seigneuries réservées ou de définition des termes de vassalité ; que ce
soit pour le vrai, le grand, l’unique motif : la possession de la couronne
de France. Et du jour où le roi d’Angleterre l’aurait ceinte, alors il n’y
aurait plus, ni en Guyenne ni en Flandre, de motif à la discorde. Les alliés ne
manqueraient pas en Europe, princes et peuples tous ensemble.
    Et si pour ce faire, pour servir
cette grande aventure qui allait changer le sort des nations, le noble Sire
Édouard avait

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