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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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impatience. Il y a juste la place à traverser.
    — C’est que le roi s’apprête à
descendre, dit Lormet d’un ton de reproche.
    — Bon, je viens.
    Le roi, après tout, n’était que son
beau-frère, et roi parce que lui, Robert, avait fait le nécessaire. Et cette
chaleur ! Il se sentait ruisseler sous son manteau de pair.
    Il s’approcha de la fenêtre, regarda
la cathédrale aux deux tours inégales et ajourées. Le soleil frappait de biais
la grande rosace de vitraux. Les cloches continuaient de sonner, couvrant les
rumeurs de la foule.
    Le duc de Bretagne, suivi de son
escorte, montait les marches du porche central.
    Ensuite, à vingt pas d’intervalle,
s’avançait d’une démarche boiteuse le duc de Bourbon, la traîne de son manteau
soulevée par deux écuyers.
    Puis s’approchait le cortège de
Mahaut d’Artois. Elle pouvait avoir le pas ferme, aujourd’hui, la dame
Mahaut ! Plus haute que la plupart des hommes, et le visage fort rouge,
elle saluait le peuple, de petites inclinations de tête, d’un air impérial.
C’était elle la voleuse, la menteuse, l’empoisonneuse de rois, la criminelle
qui soustrayait les actes scellés aux registres royaux ! Si près de la
confondre, de remporter sur elle, enfin, la victoire à laquelle il travaillait
depuis vingt ans, Robert allait-il être forcé de renoncer… et pour quoi ?
Pour une clef égarée par une concubine d’évêque ? Est-ce que, contre les
méchants, il ne convient pas d’user des mêmes méchancetés ? Doit-on se
montrer si regardant sur le choix des procédés quand il s’agit de faire
triompher le bon droit ?
    À y bien penser, si Mahaut avait en
sa possession les pièces retrouvées dans le coffre forcé du château
d’Hirson – et à supposer qu’elle ne les eût pas immédiatement détruites
comme tout portait à le croire – elle était bien empêchée de jamais les
produire, ou de faire allusion à leur existence, puisque ces pièces
constituaient la preuve de sa culpabilité. Elle serait bien prise, Mahaut, si
on venait lui opposer des lettres toutes pareilles aux documents
disparus ! Que n’avait-il la journée devant lui pour pouvoir réfléchir,
s’informer davantage… Il fallait qu’avant une heure il eût décidé, et tout
seul.
    — Je vous reverrai, la
femme ; mais tenez-vous coite, dit-il.
    De fausses écritures, tout de même,
c’était gros risque…
    Il reprit sa monumentale couronne,
s’en coiffa, jeta un regard aux miroirs qui lui renvoyèrent son image éclatée
en trente morceaux. Puis il partit pour la cathédrale.
     

VI

L’HOMMAGE ET LE PARJURE
    « Fils de roi ne saurait
s’agenouiller devant fils de comte ! »
    Cette formule, c’était un souverain
de seize ans qui, tout seul, l’avait trouvée et imposée à ses conseillers pour
qu’eux-mêmes l’imposassent aux légistes de France.
    — Voyons, Monseigneur Orleton,
avait dit le jeune Édouard III en arrivant à Amiens ; l’an passé vous
étiez ici pour soutenir que j’avais plus de droits au trône de France que mon
cousin Valois, et vous accepteriez à présent que je me jette à terre devant
lui ?
    Peut-être parce qu’il avait souffert,
pendant son enfance, d’assister aux désordres dus à l’indécision et à la
faiblesse de son père, Édouard III, pour la première fois qu’il était
livré à lui-même, voulait qu’on revînt à des principes clairs et sains. Et
pendant ces six jours passés à Amiens, il avait tout fait remettre en cause.
    — Mais Lord Mortimer tient
beaucoup à la paix avec la France, disait John Maltravers.
    — My Lord sénéchal,
l’interrompait Édouard, vous êtes ici pour me garder, je pense, non pour me
commander.
    Il éprouvait une aversion mal
déguisée pour le baron à longue figure qui avait été le geôlier et, bien
certainement, l’assassin d’Édouard II. D’avoir à subir la surveillance et
même, pour mieux dire, l’espionnage de Maltravers, indisposait fort le jeune
souverain, qui reprenait :
    — Lord Mortimer est notre grand
ami, mais il n’est pas le roi, et ce n’est point lui qui va rendre l’hommage.
Et le comte de Lancastre qui préside au Conseil de régence, et seul de ce fait
peut prendre décisions en mon nom, ne m’a point instruit, avant mon départ, de
rendre indistinctement n’importe quelle sorte d’hommage. Je ne rendrai point
l’hommage-lige.
    L’évêque de Lincoln, Henry de
Burghersh, chancelier d’Angleterre, lui aussi

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