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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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la confession de l’évêque avaient jamais existé autrement
qu’en imagination. Et Maciot l’Allemant, était-il dupe lui aussi, ou bien de
connivence ?
    — Dites le vrai, la
femme ! Jamais vous n’avez vu ces lettres.
    — Mais si, Monseigneur !
s’écria la Divion pressant des deux mains ses pommettes pointues. C’était au
château d’Hirson, le jour que Thierry se sentit malade, avant de se faire
transporter en son hôtel d’Arras. « Ma Jeannette, je veux te prémunir
contre Madame Mahaut, comme je m’en suis prémuni moi-même », il m’a dit. « Les
lettres scellées qu’elle a fait retraire des registres pour dérober Monseigneur
Robert, elle les croit toutes brûlées. Mais ce sont celles des registres de
Paris qui sont allées au feu, devant elle. Les copies gardées aux registres
d’Artois »… ce sont les propres paroles de Thierry, Monseigneur… « Je
lui ai assuré les avoir fait ardoir, mais je les ai conservées ici, et j’y ai
joint une lettre de moi. » Et Thierry m’a conduite au coffre caché dans un
creux du mur de son cabinet, et il m’a fait lire les feuilles toutes chargées
de sceaux, que même je n’en pouvais croire mes yeux ni que pareilles vilenies
fussent possibles. Il y avait aussi huit cents livres en or dans le coffre. Et
il m’a remis la clef au cas qu’il lui survînt malheur.
    — Et lorsque vous êtes allée une
première fois à Hirson…
    — J’avais confondu la clef avec
une autre ; je l’ai perdue, c’est sûr. Vraiment la calamité s’acharne sur
moi ! Quand tout commence d’aller mal…
    Et brouillonne, de plus ! Elle
devait dire la vérité. On ne s’invente pas aussi bête lorsqu’on veut tromper.
Robert l’aurait volontiers étranglée, si cela avait pu servir à quelque chose.
    — Ma visite a dû donner
l’éveil, ajouta-t-elle ; on a découvert le coffre et forcé les verrous.
C’est la Béatrice, à coup sûr…
    La porte s’entrouvrit et Lormet
passa la tête. Robert le renvoya, d’un geste de la main.
    — Mais après tout, Monseigneur,
reprit Jeanne de Divion comme si elle cherchait à racheter sa faute, ces
lettres, on pourrait aisément les refaire, ne croyez-vous pas ?
    — Les refaire ?
    — Dame, puisqu’on sait ce qu’il
y avait dedans ! Moi je le sais bien, je puis vous répéter, presque parole
pour parole, la lettre de Monseigneur Thierry.
    Le regard absent, l’index tendu pour
ponctuer les phrases, elle commença de réciter :
    — « Je me sens grandement
coupable de ce que j’ai tant cette chose celée que les droits de la comté
d’Artois appartiennent à Monseigneur Robert, par les convenances qui furent
faites au mariage de Monseigneur Philippe d’Artois et de Madame Blanche de
Bretagne, convenances établies en double paire de lettres scellées, desquelles
lettres j’en ai une, et l’autre fut retraite des registres de la cour par l’un
de nos grands seigneurs… Et toujours j’ai eu vouloir qu’après la mort de Madame
la comtesse, à qui pour complaire et sur les ordres de laquelle j’ai agi, si
Dieu la rappelait avant moi, je rendrai audit Monseigneur Robert ce que je
détenais… »
    La Divion égarait ses clefs, mais
pouvait se souvenir d’un texte qu’elle avait lu une fois. Il y a des cervelles
construites de la sorte ! Et elle proposait à Robert, comme chose la plus
naturelle au monde, de faire des faux. Elle n’avait visiblement aucun sens du
bien et du mal, n’établissait aucune distinction entre le moral et l’immoral,
l’autorisé et l’interdit. Était moral ce qui lui convenait. En quarante-deux
ans de vie, Robert avait commis presque tous les péchés possibles : il
avait tué, menti, dénoncé, pillé, violé. Mais user de faux en écritures, cela
ne lui était pas encore arrivé.
    — Il y a aussi l’ancien bailli
de Béthune, Guillaume de la Planche, qui doit se souvenir et pourrait nous
aider, car il était clerc chez Monseigneur Thierry en ce temps-là.
    — Où est-il, cet ancien
bailli ? demanda Robert.
    — En prison.
    Robert haussa les épaules. De mieux
en mieux ! Ah ! il avait commis une erreur à se trop presser. Il
aurait dû attendre de tenir les documents, et non pas se contenter de
promesses. Mais aussi, il y avait cette occasion de l’hommage, que le roi
lui-même lui avait conseillé de saisir…
    Le vieux Lormet, de nouveau, passa
la tête par l’entrebâillement de la porte.
    — Oui ! je sais, lui cria
Robert avec

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