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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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muchés.
Donnez-moi une terre et des revenus, je vous les porterai la semaine
prochaine. » Et puis la semaine passe et une autre encore… « Les
Hirson se tiennent au château ; je ne puis y paraître quand ils sont
là. » » À présent j’y suis allée, Monseigneur, mais la clef que
j’avais n’était point la bonne. Patientez un peu… » Et le jour enfin que
je dois présenter les deux pièces au roi…
    — Les trois, Monseigneur :
le traité du mariage du comte Philippe, votre père, la lettre du comte Robert,
votre grand-père, et celle de Monseigneur Thierry.
    — Mieux encore ! les
trois ! Vous arrivez pour me dire tout niaisement : « Je ne les
ai point ; le coffre était vide ! » Et vous pensez que je vais
vous croire ?
    — Mais demandez au sergent
Maciot qui m’accompagnait ! Ne voyez-vous pas, Monseigneur, que j’en ai
encore plus grand meschef que vous ?
    Un méchant soupçon passa dans le
regard de Robert d’Artois qui, changeant de ton, demanda :
    — Dis-moi, la Divion, ne
serais-tu pas en train de me truffer ? Cherches-tu à me soutirer
davantage, ou bien m’aurais-tu trahi pour Mahaut ?
    — Monseigneur !
Qu’allez-vous imaginer ! s’écria la femme au bord des larmes. Quand toute
la peine et le dénuement où je suis me viennent de la comtesse Mahaut qui m’a
volée de tout ce que mon cher seigneur Thierry m’avait laissé par son
testament ! Ah ! je lui souhaite bien autant de mal que vous pouvez
le faire, à Madame Mahaut ! Pensez, Monseigneur : douze ans je fus la
bonne amie de Thierry, à cause de quoi beaucoup de gens me montraient du doigt.
Pourtant, un évêque, c’est un homme tout pareillement aux autres ! Mais
les gens ont de la méchanceté…
    La Divion recommençait son histoire
que Robert avait déjà entendue au moins trois fois. Elle parlait vite ;
sous des sourcils horizontaux, son regard semblait tourné en dedans comme chez
les êtres qui ruminent sans cesse leurs propres affaires et ne sont attentifs à
rien d’autre qu’à eux-mêmes.
    Forcément, elle ne pouvait rien
espérer de son mari dont elle s’était séparée pour vivre dans la maison de
l’évêque Thierry. Elle reconnaissait que son mari s’était montré plutôt
accommodant, peut-être parce qu’il avait, lui, cessé de bonne heure d’être un
homme… Monseigneur comprenait ce qu’elle voulait dire. C’était pour la mettre à
l’abri du besoin, en remerciement de toutes les bonnes années qu’elle lui avait
données, que l’évêque Thierry l’avait inscrite sur son testament pour plusieurs
maisons, somme en or et revenus. Mais il se méfiait de Madame Mahaut qu’il
était obligé de nommer exécutrice testamentaire.
    — Elle m’a toujours vue de
mauvais œil, à cause de ce que j’étais plus jeune qu’elle, et qu’autrefois
Thierry, c’est lui-même qui me l’a confié, avait dû passer par sa couche. Il
savait bien qu’elle me jouerait méchamment quand il ne serait plus là, et que
tous les Hirson, qui sont contre moi, à commencer par la Béatrice, la plus
mauvaise, qui est demoiselle de parage de Mahaut, s’arrangeraient pour me
chasser de la maison et me priver de tout.
    Robert n’écoutait plus
l’intarissable bavarde. Il avait posé sur un coffre sa lourde couronne et
réfléchissait en frottant ses cheveux roux. Sa belle machination s’écroulait.
« La plus petite pièce probante, mon frère, et j’autorise aussitôt l’appel
des jugements de 1309 et 1318 », lui avait dit Philippe VI.
« Mais comprends que je ne puis faire à moins, quelque volonté que j’aie
de te servir, sans me déjuger devant Eudes de Bourgogne, avec les conséquences
que tu devines. » Or ce n’était pas une petite pièce, mais des pièces
massues, les actes même que Mahaut avait fait disparaître afin de capter
l’héritage d’Artois, qu’il s’était targué de fournir !
    — Et dans quelques minutes,
dit-il, je dois être à la cathédrale, pour l’hommage.
    — Quel hommage ? demanda
la Divion.
    — Celui du roi d’Angleterre,
voyons !
    — Ah ! C’est donc cela
qu’il y a si grande presse dans la ville que je ne pouvais avancer.
    Elle ne voyait donc rien, cette
sotte, tout occupée à remâcher ses infortunes personnelles, elle ne se rendait
compte ni ne s’informait de rien !
    Robert se demanda s’il n’avait pas
été bien léger en accordant crédit aux dires de cette femme, et si les pièces,
le coffre d’Hirson,

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