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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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de régence ; mais le « par
lui » pouvait également concerner, dans l’avenir, les attributions du
sénéchal en Guyenne, ou de tout autre lieutenant royal. Quant à l’expression
« aucun droit nouveau », elle constituait un entérinement des droits
acquis jusqu’à ce jour, c’est-à-dire y compris le traité de 1327. Mais ce
n’était pas dit explicitement.
    Ces déclarations, comme celles
généralement de tous traités de paix ou d’alliance depuis le début des âges et
entre toutes nations, dépendaient entièrement pour leur application du bon ou
du mauvais vouloir des gouvernements. Pour l’heure, la présence des deux
princes face à face témoignait d’un désir réciproque de vivre en bonne harmonie.
    Le chancelier Burghersh déroula un
parchemin où pendait le sceau d’Angleterre et lut, au nom du vassal :
    — « Sire, je deviens votre
homme de la duché de Guyenne et de ses appartenances que je clame tenir de vous
comme duc de Guyenne et pair de France, selon la forme des paix faites entre
vos devanciers et les nôtres, et selon ce que nous et nos ancêtres, rois
d’Angleterre et ducs de Guyenne, avons fait pour la même duché envers vos
devanciers, rois de France. »
    Et l’évêque tendit à Miles de Noyers
la cédule qu’il venait de lire, et dont la rédaction était fort écourtée par
rapport à l’hommage-lige. Miles de Noyers dit alors en réponse :
    — Sire, vous devenez homme du
roi de France, mon seigneur, pour la duché de Guyenne et ses appartenances que
vous reconnaissez tenir de lui, comme duc de Guyenne et pair de France, selon
la forme des paix faites entre ses devanciers, rois de France, et les vôtres,
et selon ce que vous et vos ancêtres, rois d’Angleterre et ducs de Guyenne,
avez fait pour la même duché envers ses devanciers, rois de France.
    Tout cela pourrait fournir belle
matière à procédure le jour qu’on cesserait d’être d’accord.
    Édouard III dit alors :
    — En vérité.
    Miles de Noyers confirma par ces
mots :
    — Le roi notre Sire vous
reçoit, sauves ses protestations et retenues dessus dites.
    Édouard franchit les trois pas qui
le séparaient de son suzerain, se déganta, remit ses gants à Lord Montaigu, et,
tendant ses mains fines et blanches, les posa dans les larges paumes du roi de
France. Puis les deux rois échangèrent un baiser de bouche.
    On s’aperçut alors que
Philippe VI n’avait pas à beaucoup se pencher pour atteindre le visage de
son jeune cousin. La différence entre eux était surtout de corpulence. Le roi
d’Angleterre, qui avait encore à grandir, serait sûrement lui aussi de belle
taille.
    Les cloches se remirent à sonner
dans la plus haute tour. Et chacun se sentait content. Pairs et dignitaires
s’adressaient des hochements de tête satisfaits. Le roi Jean de Bohême, sa
belle barbe châtaine étalée sur la poitrine, avait une attitude noblement
rêveuse. Le comte Guillaume le Bon et son frère Jean de Hainaut échangeaient
des sourires avec les seigneurs anglais. Une bonne chose, en vérité, se
trouvait accomplie.
    Pourquoi se disputer, s’aigrir, se
menacer, porter plainte devant les Parlements, confisquer les fiefs, assiéger
les villes, se battre méchamment, dépenser or, fatigue et sang de chevaliers,
quand, avec un peu de bon vouloir, chacun mettant du sien, on pouvait si bien
s’accorder ?
    Le roi d’Angleterre avait pris place
sur le trône préparé pour lui, un peu au-dessous de celui du roi de France. Il
ne restait plus qu’à entendre messe.
    Pourtant Philippe VI paraissait
attendre quelque chose encore et, tournant la tête vers ses pairs, cherchait du
regard Robert d’Artois dont la couronne dépassait de haut toutes les autres.
    Robert avait les yeux mi-clos. Il
essuyait de son gant rouge la sueur qui lui coulait des tempes, encore qu’il
fit dans la cathédrale une bienfaisante fraîcheur. Mais le cœur lui battait
vite en cet instant. Et n’ayant pas pris garde que son gant déteignait, il
avait comme une traînée de sang sur la joue. Brusquement il se leva de sa
stalle. Sa décision était prise.
    — Sire, s’écria-t-il en
s’arrêtant devant le trône de Philippe, puisque tous vos vassaux sont ici
assemblés…
    Miles et Noyers et l’évêque
Burghersh, quelques instants auparavant, avaient parlé à voix ferme et claire,
audible dans tout l’édifice. Or on eut l’impression, quand Robert ouvrit la
bouche que des oisillons avaient gazouillé avant

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