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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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m’a pas laissé
l’approcher, dit le frère ; mais le chapelain me l’a montré, de derrière
un pilier, et il m’a dit : « C’est lui. »
    Kent demeura un moment silencieux,
puis demanda :
    — Si j’ai besoin de vous,
puis-je vous faire quérir au couvent des Frères Prêcheurs ?
    — Non point, my Lord, car mon
prieur m’a conseillé de ne pas demeurer au couvent, pour le moment.
    Et il donna son adresse, dans
Londres, chez un clerc du quartier Saint-Paul.
    Kent ouvrit son aumônière et lui
tendit trois pièces d’or. Le frère refusa ; il n’avait le droit d’accepter
aucun présent.
    — Pour les aumônes de votre
ordre, dit le comte de Kent.
    Alors le frère Dienhead sortit une
main de ses manches, s’inclina très bas, et se retira.
    Le jour même, Edmond de Kent
décidait d’avertir les deux principaux prélats naguère affiliés à la
conjuration manquée, Graveson, l’évêque de Londres, et l’archevêque d’York,
William de Melton, celui-là même qui avait marié Édouard III et Philippa de
Hainaut.
    « On m’affirme par deux fois et
de sources qui paraissent sûres… » leur écrivait-il.
    Les réponses ne se firent pas
attendre. Graveson garantissait son appui au comte de Kent en toute action que
celui-ci voudrait mener ; quant à l’archevêque d’York, primat
d’Angleterre, il envoya son propre chapelain, Allyn, porter promesse de fournir
cinq cents hommes d’armes, et même davantage s’il était nécessaire, pour la
délivrance de l’ancien roi.
    Kent prit alors d’autres contacts,
avec Lord de la Zouche notamment, et avec plusieurs seigneurs, tels que Lord
Beaumont et sir Thomas Rosslyn, qui s’étaient réfugiés à Paris afin de se
soustraire à la vindicte de Mortimer. Car il y avait de nouveau, en France, un
parti d’émigrés.
    Ce qui emporta tout fut une communication
personnelle et secrète du pape Jean XXII au comte de Kent. Le Saint-Père,
ayant appris lui aussi que le roi Édouard II était toujours vivant,
recommandait au comte de Kent d’agir pour sa délivrance, absolvant d’avance
ceux qui participeraient à l’entreprise «  ab omni pœna et culpa  »…
pouvait-on plus clairement dire que tous les moyens seraient bons ?… et
même menaçant le comte de Kent d’excommunication s’il négligeait cette tâche
hautement pie.
    Or ce n’était pas là un message
oral, mais une lettre en latin où un éminent prélat du Saint-Siège, dont la
signature était assez mal déchiffrable, rapportait fidèlement les paroles
prononcées par Jean XXII dans un entretien à ce sujet. La lettre avait été
acheminée par un membre de la suite du chancelier Burghersh, évêque de Lincoln,
qui venait de rentrer d’Avignon où il était allé négocier, lui aussi,
l’hypothétique mariage de la sœur d’Édouard III à l’héritier de France.
    Edmond de Kent, fort ému, résolut
alors d’aller vérifier sur place toutes ces informations si concordantes, et
d’étudier les possibilités d’une évasion.
    Il fit chercher le frère Dienhead à
l’adresse que celui-ci avait donnée et, avec une escorte réduite mais sûre, il
partit pour le Dorset. On était en février.
    Arrivé à Corfe, par un jour de mauvais
temps où les bourrasques salées balayaient la presqu’île désolée, Kent fit
mander le gouverneur de la forteresse, sir John Daverill. Celui-ci vint se
présenter au comte de Kent, dans l’unique auberge de Corfe, devant l’église de
Saint-Édouard-le-Martyr, le roi assassiné de la dynastie saxonne.
    De haute taille, étroit d’épaules,
le front plissé et la lèvre méprisante, avec une sorte de regret dans la
civilité ainsi qu’il convient à un homme de devoir, John Daverill s’excusa de
ne pouvoir recevoir le noble Lord au château. Il avait des ordres absolus.
    — Le roi Édouard II est-il
vivant ou mort ? lui demanda Edmond de Kent.
    — Je ne puis vous le dire.
    — C’est mon frère ! Est-ce
lui que vous gardez ?
    — Je ne suis pas autorisé à
parler. Un prisonnier m’a été confié ; je ne dois révéler ni son nom ni
son rang.
    — Pourriez-vous me laisser
entrevoir ce prisonnier ?
    John Daverill fit non de la tête. Un
mur, un roc, ce gouverneur, aussi impénétrable que l’énorme donjon sinistre
défendu par trois vastes enceintes et qui se dressait sur le haut de la
colline, au-dessus du petit village aux toits de pierres plates. Ah !
Mortimer choisissait bien ses serviteurs !
    Mais il y

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