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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Ses aides se
solidarisaient avec lui ; ils préféraient perdre leur charge.
    On s’adressa aux officiers de la
garnison pour qu’ils eussent à désigner un de leurs hommes, à moins que ne se
proposât un volontaire auquel serait donnée grasse rémunération. Les officiers
eurent un mouvement de dégoût. Ils voulaient bien maintenir l’ordre, monter la
garde autour du Parlement, accompagner le condamné jusqu’au lieu
d’exécution ; mais il ne fallait pas leur demander plus, ni à eux ni à
leurs soldats.
    Mortimer entra dans une froide et
féroce colère contre le gouverneur.
    — Ne tenez-vous pas en vos
prisons quelque meurtrier, faussaire ou brigand, qui veuille la vie sauve en
échange ? Allons, hâtez-vous, si vous ne voulez vous-même finir en
geôle !
    En visitant les cachots, on
découvrit enfin l’homme souhaité ; il avait volé des objets d’église et
devait être pendu la semaine suivante. On lui remit la hache, mais il exigea
d’avoir le visage masqué.
    La nuit était venue. À la lueur des
torches, combattue par l’averse, le comte de Kent vit s’avancer son exécuteur
et comprit que ses longues heures d’espérance n’avaient été qu’une ultime et
dérisoire illusion. Il poussa un cri affreux ; il fallut l’agenouiller de
force devant le billot.
    Le bourreau d’occasion était plus
peureux que cruel, et tremblait davantage que sa victime. Il n’en finissait pas
de lever la hache. Il manqua son coup, et le fer glissa sur les cheveux. Il dut
s’y reprendre à quatre fois, frappant dans une écœurante bouillie rouge. Les
vieux archers, alentour, vomissaient.
    Ainsi mourut, avant d’avoir trente
ans, le comte Edmond de Kent, prince plein de grâce et de naïveté.
    Et un voleur de ciboire fut rendu à
sa famille.
    Quand le jeune roi Édouard III
revint d’avoir ouï une longue dispute en latin sur les doctrines de maître
Occam, on lui apprit que son oncle avait été décapité.
    — Sans mon ordre ? dit-il.
    Il fit appeler Lord Montaigu qui ne
le quittait guère depuis l’hommage d’Amiens, et dont il avait pu à diverses
reprises constater la loyauté.
    — My Lord, lui demanda-t-il,
vous étiez au Parlement ce jour. J’aimerais savoir la vérité…
     

II

LA HACHE DE NOTTINGHAM
    Le crime d’État a toujours besoin
d’être couvert par une apparence de légalité.
    La source de la loi est dans le
souverain, et la souveraineté appartient au peuple qui exerce celle-ci soit par
le truchement d’une représentation élue, soit par une délégation
héréditairement faite à un monarque, et parfois selon les deux manières
ensemble comme c’était le cas déjà pour l’Angleterre.
    Tout acte légal en ce pays devait
donc comporter le consentement conjoint du monarque et du peuple, que ce
consentement fût tacite ou exprimé.
    L’exécution du comte de Kent avait
légalité de forme puisque les pouvoirs royaux étaient exercés par le Conseil de
régence, et qu’en l’absence du comte de Lancastre, tuteur du souverain, la
signature revenait à la reine mère ; mais cette exécution n’avait ni le
consentement véritable d’un Parlement siégeant sous la contrainte, ni
l’adhésion du roi tenu dans l’ignorance d’un ordre donné en son nom ; un
tel acte ne pouvait être que funeste à ses auteurs.
    Édouard III marqua sa
réprobation autant qu’il le put en exigeant qu’on fît à son oncle Kent des
funérailles princières. Comme il ne s’agissait plus que d’un cadavre Mortimer
accepta de déférer aux désirs du jeune roi. Mais Édouard ne pardonnerait jamais
à Mortimer d’avoir disposé à son insu, une fois de plus, de la vie d’un membre
de sa famille ; il ne lui pardonnerait pas non plus l’évanouissement de
Madame Philippa à l’annonce brutale de l’exécution de l’oncle Kent. Or la jeune
reine était enceinte de six mois et l’on aurait pu en user envers elle avec
ménagements. Édouard en fit reproche à sa mère, et, comme cette dernière
répliquait avec irritation que Madame Philippa montrait trop de sensibilité
pour les ennemis du royaume et qu’il fallait avoir l’âme forte si l’on avait
choisi d’être reine, Édouard lui répondit :
    — Toute femme, Madame, n’a pas
le cœur aussi pierreux que vous.
    L’incident, pour Madame Philippa,
n’eut pas de conséquence et, vers la mi-juin, elle accoucha d’un fils [17] .
Édouard III en éprouva la joie simple, profonde et grave, qui est celle de
tout homme

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