Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
et
en usait avec le jeune Édouard III comme si celui-ci eût été non pas son
suzerain mais son héritier.
    Lorsque, en octobre 1328, Mortimer
avait exigé du Parlement réuni à Salisbury la confirmation de son élévation à
la pairie, Henry de Lancastre au Tors-Col, doyen de la famille royale, s’était
abstenu de siéger. Au cours de la même session, Mortimer avait fait pénétrer
ses troupes en armes dans l’enceinte du Parlement, pour mieux appuyer ses
volontés. Ce genre de contrainte ne fut jamais du goût des assemblées.
    Presque fatalement, la même
coalition formée naguère pour abattre les Despensers s’était reconstituée
autour des mêmes princes du sang, autour d’Henry Tors-Col, autour des comtes de
Norfolk et de Kent, oncles du jeune roi.
    Deux mois après l’affaire de
Salisbury, Tors-Col, profitant d’une absence de Mortimer et d’Isabelle,
réunissait secrètement à Londres, dans l’église Saint-Paul, de nombreux évêques
et barons, afin d’organiser un soulèvement armé. Or Mortimer entretenait des
espions partout. Avant même que la coalition se fût équipée, il venait ravager
avec ses propres troupes la ville de Leicester, premier fief des Lancastre.
Henry voulait continuer la lutte ; mais Kent, jugeant l’affaire mal
engagée, se dérobait alors, peu glorieusement.
    Si Lancastre s’était tiré de ce
mauvais pas sans autre dommage qu’une amende, d’ailleurs impayée, de onze mille
livres, il le devait à ceci qu’il était premier membre du Conseil de régence et
tuteur du roi, et que, par une logique absurde, Mortimer avait besoin de
maintenir la fiction juridique de cette tutelle afin de pouvoir faire également
condamner, pour révolte contre le roi, des adversaires tels que Lancastre
lui-même !
    Ce dernier avait été envoyé en
France, sous le prétexte de négocier le mariage de la sœur du jeune roi avec le
fils aîné de Philippe VI. Cet éloignement était une prudente disgrâce, sa
mission durerait longtemps.
    Tors-Col absent, Kent se trouvait du
coup, et presque malgré lui, le chef des mécontents. Tout refluait vers sa
personne ; et lui-même cherchait à effacer sa défection de l’année précédente.
Non, ce n’était pas la lâcheté qui l’avait détourné d’agir…
    Il pensait à toutes ces choses,
confusément, devant la fenêtre de son château de Kensington. Le moine se tenait
toujours immobile, les mains dans les manches. Qu’il fût un Frère Prêcheur, tout
comme le premier messager qui lui avait déjà certifié qu’Édouard II
n’était pas mort, donnait également à réfléchir au comte de Kent, et
l’inclinait à prendre la nouvelle au sérieux, car l’ordre des Dominicains était
réputé hostile à Mortimer. Or l’information, si elle était véridique, faisait
tomber toutes les présomptions de régicide qui pesaient sur Isabelle et
Mortimer. En revanche, elle modifiait complètement la situation du royaume.
    Car maintenant le peuple regrettait
Édouard II et, passant d’un extrême à l’autre, n’était pas loin d’élever
au martyre ce prince dissolu. Si Édouard II vivait encore, le Parlement
pourrait fort bien revenir sur ses actes passés, en déclarant qu’ils lui
avaient été imposés, et restaurer l’ancien souverain.
    Quelles preuves, après tout,
possédait-on de sa mort ? Le témoignage des habitants de Berkeley défilant
devant la dépouille ? Mais combien d’entre eux avaient-ils vu
Édouard II auparavant ? Qui pouvait affirmer qu’on ne leur avait pas
montré un autre corps ?… Nul membre de la famille royale ne se trouvait
présent aux obsèques mystérieuses en l’abbatiale de Gloucester ; en outre,
c’était un cadavre vieux d’un mois, dans une caisse couverte d’un drap noir,
qu’on avait descendu au tombeau.
    — Et vous dites, frère
Dienhead, l’avoir véritablement vu, de vos yeux ? demanda Kent en se
retournant.
    Thomas Dienhead regarda de nouveau
autour de lui, comme un bon conspirateur, et répondit à voix basse :
    — C’est le prieur de notre
ordre qui m’a envoyé là-bas ; j’ai gagné la confiance du chapelain qui,
pour me permettre l’entrée, m’a obligé de revêtir des habits laïques. Tout un
jour je suis resté caché dans un petit bâtiment, à gauche du corps de
garde ; au soir on m’a fait pénétrer dans la grand-salle, et là j’ai bien
vu le roi attablé, entouré d’un service d’honneur.
    — Lui avez-vous parlé ?
    — On ne

Weitere Kostenlose Bücher