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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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petit prince Jean, fils aîné du
roi, contemplait avec admiration ces préparatifs, et Jean le Fol, qui
l’accompagnait, faisait des grimaces sous son bonnet à marotte.
    La foule populaire, nombreuse, était
tenue à distance par une compagnie d’archers ; elle verrait surtout de la
poussière, car, depuis quatre jours que les jouteurs piétinaient les lices,
l’herbe était morte et le sol, bien qu’arrosé, se transformait en poudre.
    Avant même que d’être à cheval, les
tournoyeurs ruisselaient sous leur harnois dont les plaques de fer chauffaient
au grand soleil de juillet. Ils perdraient bien quatre livres dans la journée.
    Les hérauts passaient en
criant :
    — Lacez heaumes, lacez heaumes,
seigneurs chevaliers, et hissez bannières, pour convoyer la bannière du
chef !
    Les échafauds s’étaient emplis et
les juges diseurs, parmi lesquels le connétable, messire Miles de Noyers et le
duc de Bourbon, se trouvaient à leurs places dans la tribune centrale.
    Les trompes retentirent ; les
tournoyeurs, aidés par leurs valets, montèrent pesamment à cheval et se
rendirent, qui devant la tente du roi de France, qui devant la tente du roi de
Bohême, pour se former en cortège, deux par deux, chaque chevalier suivi de son
porte-bannière, jusqu’aux lices, où ils firent leur entrée.
    Des cordes séparaient l’enclos par
moitié, dans le sens de la largeur. Les deux partis se rangèrent face à face.
Après de nouvelles sonneries de trompettes, le roi d’armes s’avança pour
répéter une dernière fois les conditions du tournoi.
    Enfin il cria :
    — Coupez cordes, hurlez
bataille, quand vous voudrez !
    Le duc de Bourbon n’entendait jamais
ce cri sans un certain malaise, car c’était celui qu’autrefois poussait son
père, Robert de Clermont, le sixième fils de Saint Louis, dans les crises de
démence qui le saisissaient soudain au milieu d’un repas ou d’un conseil royal.
Le duc lui-même préférait être juge plutôt que combattant.
    Les hommes préposés avaient levé
leurs haches ; les cordes se rompirent. Les porte-bannières quittèrent les
rangs ; les valets à cheval, armés de tronçons de lance qui n’avaient pas
plus de trois pieds, s’alignèrent contre la main courante, prêts à se porter au
secours de leurs maîtres. Puis la terre trembla sous les sabots de deux cents
chevaux lancés au galop les uns contre les autres ; et la mêlée s’engagea.
    Les dames, debout dans les tribunes,
criaient en suivant des yeux le heaume de leur chevalier préféré. Les juges
étaient attentifs à distinguer les coups échangés afin de désigner les
vainqueurs. Le choc des lances, des étriers, des armures, de toute cette
ferraille, produisait un vacarme infernal. La poussière faisait écran au
soleil.
    Dès le premier affrontement, quatre
chevaliers furent jetés à bas de leur destrier et vingt autres eurent leur
lance rompue. Les valets, répondant aux appels qui sortaient par la ventaille
des heaumes, coururent porter des lances neuves aux tournoyeurs désarmés et
relever les désarçonnés qui gigotaient comme des crabes retournés. L’un d’eux
avait la jambe brisée et quatre hommes durent l’emporter.
    Miles de Noyers était maussade et,
bien que juge diseur, ne s’intéressait qu’assez vaguement au spectacle. En
vérité, on lui faisait perdre son temps. Il avait à présider aux travaux de la
Chambre des Comptes, contrôler les arrêts du Parlement, veiller à
l’administration générale du royaume. Et pour complaire au roi, il lui fallait
se tenir là, à regarder des hurleurs casser des lances de frêne ! Il
cachait peu ses sentiments.
    — Tous ces tournois coûtent
trop cher ; ce sont profusions inutiles, et que le peuple blâme, disait-il
à ses voisins. Le roi n’entend pas ses sujets parler dans les bourgs et les
campagnes. Lorsqu’il passe, il ne voit que gens courbés à lui baiser les
pieds ; mais moi, je sais bien ce que me rapportent les baillis et les
prévôts. Vaines dépenses d’orgueil et de futilité ! Et pendant ce temps
rien ne se fait ; les ordonnances demeurent à signer pendant deux
semaines ; on ne tient conseil que pour décider qui sera roi d’armes ou
chevalier d’honneur. La grandeur d’un royaume ne se mesure pas à ces simulacres
de chevalerie. Le roi Philippe le Bel le savait bien, qui, d’accord avec le
pape Clément, avait fait interdire les tournois.
    Le connétable Raoul de Brienne, la
main en visière

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