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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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mâchoires.
    — Peut-être même, continua
Philippe, est-ce ma propre sœur, ton épouse, qui t’a abusé. Les femmes ont de
ces faussetés, parfois, croyant nous servir ! Fausseté est leur nature.
Vois la mienne, qui n’a pas répugné à dérober mon sceau.
    — Oui, les femmes sont fausses,
dit Robert avec colère. Tout cela est manège de femmes monté entre ton épouse
et sa belle-sœur de Bourgogne. Je ne connais point les viles gens dont on
m’oppose les aveux extorqués !
    — Je veux également tenir pour
calomnie, reprit plus bas Philippe, ce qu’on dit de la mort de ta tante…
    — Elle avait dîné chez
toi !
    — Mais sa fille n’y avait pas
dîné, quand elle trépassa en deux jours.
    — Je n’étais pas le seul ennemi
qu’elles se fussent acquis en leur mauvaise vie, répondit Robert d’un ton de
feinte indifférence.
    Il sortit de la cuve et réclama des
toiles pour se sécher. Philippe en fit autant. Ils étaient l’un devant l’autre,
nus, la peau rosé, et fortement velus. Leurs serviteurs attendaient à quelques
pas, avec les vêtements d’apparat sur les bras.
    — Robert, j’attends ta réponse,
dit le roi.
    — Quelle réponse ?
    — Que tu renonces à l’Artois,
pour que je puisse éteindre l’affaire…
    — Et pour que tu puisses aussi
reprendre la parole que tu m’avais donnée avant d’être roi. Sire, mon frère,
aurais-tu donc oublié qui t’a porté au trône, qui t’a rallié les pairs, qui t’a
gagné ton sceptre ?
    Philippe de Valois prit Robert par
les poignets et, le regardant droit dans les yeux :
    — Si j’avais oublié, Robert,
crois-tu que je te parlerais en ce moment comme je le fais ?… Pour la
dernière fois, renonce.
    — Jamais, répondit le géant en
secouant la tête.
    — C’est au roi que tu
refuses ?
    — Oui, Sire, au roi que j’ai
fait. Philippe desserra les doigts.
    — Alors, si tu ne veux point
sauver ton honneur de pair, dit-il, moi je veillerai à sauver mon honneur de
roi !
     

IX

LES TOLOMEI
    — Faites-moi pardon,
Monseigneur, de ne pouvoir me lever pour vous mieux accueillir, dit Spinello
Tolomei, d’une voix haletante, à l’entrée de Robert d’Artois.
    Le vieux banquier était allongé sur
un lit dressé dans son cabinet de travail ; une couverture légère laissait
deviner la forme de son gros ventre et de sa poitrine amenuisée. Une barbe de
huit jours semblait, sur ses joues effondrées, comme un dépôt de sel, et sa
bouche bleuie cherchait l’air. Mais de la fenêtre, donnant sur la rue des
Lombards, ne venait aucune fraîcheur. Paris cuisait, sous le soleil d’un
après-midi d’août.
    Il ne restait plus beaucoup de vie
dans le corps de messer Tolomei, plus beaucoup de vie dans le regard de son
seul œil ouvert qui n’exprimait rien qu’un mépris fatigué, comme si quatre-vingts
ans d’existence avaient été un bien inutile effort.
    Autour du lit se tenaient quatre
hommes au teint basané, aux lèvres minces, aux yeux luisants comme des olives
noires, et tous vêtus également de robes sombres.
    — Mes cousins Tolomeo Tolomei,
Andréa Tolomei, Giaccomo Tolomei… dit le moribond en les désignant. Et puis
vous connaissez mon neveu, Guccio Baglioni…
    À trente-cinq ans, les tempes de
Guccio étaient déjà blanches.
    — Ils sont tous venus de Sienne
pour me voir mourir… et aussi pour d’autres choses, ajouta lentement le vieux
banquier.
    Robert d’Artois, en chausses de
voyage, le buste un peu penché sur le siège qu’on lui avait avancé, regardait
le vieillard avec cette fausse attention des gens qu’obsédé un très grave
souci.
    — Monseigneur d’Artois est un
ami, j’ose le dire, reprit Tolomei à l’adresse de ses parents. Tout ce qu’on
pourra faire pour lui doit être fait ; il nous a sauvés, souvent, et il
n’a pas dépendu de lui cette fois…
    Comme les cousins siennois
n’entendaient guère le français, Guccio leur traduisit, rapidement, les paroles
de l’oncle ; les cousins hochèrent, d’un même mouvement, leurs faces
sombres.
    — Mais, si c’est d’argent que
vous avez nécessité, Monseigneur, hélas, hélas, et malgré tout mon dévouement
pour vous, nous ne pouvons rien. Vous savez trop pourquoi…
    On sentait que Spinello Tolomei
économisait ses forces. Il n’avait pas besoin de s’étendre longuement. À quoi
bon commenter la situation dramatique où se débattaient, depuis quelques mois,
les banquiers italiens ?
    En janvier,

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