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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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le roi avait rendu une
ordonnance par laquelle tous les Lombards se voyaient menacés d’expulsion. Ce
n’était pas là chose nouvelle ; chaque règne, en ses moments difficiles,
brandissait la même menace et raflait aux Lombards une part de leur fortune en
les obligeant à racheter leur droit de séjour. Pour compenser la perte, les
banquiers augmentaient pendant un an le taux d’usure. Mais l’ordonnance cette
fois s’accompagnait d’une plus grave mesure. Toutes les créances que les
Italiens détenaient sur des seigneurs français se trouvaient, de par la volonté
royale, annulées ; et il était interdit aux débiteurs de s’acquitter, si
même ils en avaient le vouloir ou la possibilité. Des sergents royaux, montant
la garde aux portes des comptoirs, faisaient rebrousser chemin aux honnêtes
clients qui venaient rembourser. Les banquiers italiens en auraient
pleuré !
    — Et cela parce que la noblesse
s’est trop endettée pour ces folles fêtes, pour tous ces tournois où elle veut
briller devant le roi ! Même sous Philippe le Bel nous ne fûmes pas
traités de telle façon.
    — J’ai plaidé pour vous, dit
Robert.
    — Je sais, je sais,
Monseigneur. Vous avez toujours défendu nos compagnies. Mais voilà, vous n’êtes
guère mieux en grâce que nous, à présent… Nous pouvions croire que les choses
s’arrangeraient comme les autres fois. Mais avec la mort de Macci dei Macci, le
dernier coup nous a été porté !
    Le vieil homme tourna son regard
vers la fenêtre, et se tut.
    Macci dei Macci, l’un des plus
grands financiers italiens en France, auquel Philippe VI depuis le début
de son règne avait confié, sur le conseil de Robert, l’administration du
Trésor, venait d’être pendu la semaine précédente après jugement sommaire.
    Guccio Baglioni, la voix chargée de
colère contenue, dit alors :
    — Un homme qui avait mis tout
son labeur, toute son astuce au service de ce royaume. Il se sentait plus
français que s’il était né sur la Seine ! S’est-il enrichi en son office
davantage que ceux qui l’ont fait pendre ? C’est toujours sur les Italiens
qu’on frappe parce qu’ils n’ont pas moyens de se défendre !
    Les cousins siennois captaient ce
qu’ils pouvaient du discours ; au nom de Macci dei Macci, leurs sourcils
étaient remontés jusqu’au milieu du front, et, les paupières fermées, ils
avaient émis une même lamentation de gorge.
    — Tolomei, dit Robert d’Artois,
je ne viens pas vous emprunter de l’argent, mais vous prier de m’en prendre.
    Si affaibli qu’il fût, messer
Tolomei releva légèrement le torse, tant l’annonce était surprenante.
    — Oui, reprit Robert, je
voudrais vous remettre tout mon trésor de monnaie contre des lettres de change.
Je pars. Je quitte le royaume.
    — Vous, Monseigneur ?
Votre procès va-t-il si mal ? Le jugement a-t-il été rendu contre
vous ?
    — Il va l’être dans quatre
semaines. Sais-tu, banquier, comment me traite ce roi dont j’ai épousé la sœur
et qui jamais, sans moi, n’eût été roi ? Il a envoyé son bailli de Gisors
corner à la porte de tous mes châteaux, à Conches, à Beaumont, à Orbec, qu’il
m’ajournait pour la Saint-Michel devant son lit de justice. Feinte justice où
l’arrêt contre moi est déjà rendu. Philippe a mis tous ses chiens à mes
trousses : Sainte-Maure, son mauvais chancelier, Forget, son trésorier
voleur, Mathieu de Trye, son maréchal, et Miles de Noyers pour leur faire la
voie. Les mêmes qui se sont alliés contre vous, les mêmes qui ont pendu votre
ami Mâche des Mâche ! C’est la mâle reine, c’est la boiteuse qui a gagné,
c’est la Bourgogne qui l’emporte, et la vilenie. Ils ont jeté en geôle mes
notaires, mon aumônier, et tourmenté mes témoins pour les obliger à se renier.
Eh bien ! qu’ils me jugent ; je ne serai pas là. Ils m’ont volé
l’Artois, qu’ils me honnissent à loisir ! Ce royaume ne m’est plus rien,
et son roi est mon ennemi ; je m’en vais hors des frontières pour lui faire
tout le mal que je pourrai ! Demain je suis à Conches pour envoyer mes
chevaux, ma vaisselle, mes joyaux et mes armes vers Bordeaux, et les mettre sur
un vaisseau d’Angleterre ! Ils veulent saisir et mon corps et mes
biens ; ils ne me prendront pas !
    — Est-ce en Angleterre que vous
allez, Monseigneur ? demanda Tolomei.
    — Je demande d’abord refuge à
ma sœur, la comtesse de Namur.
    — Votre épouse

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