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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sujet un terrain d’entente. Pour le reste, il me suffisait de voir ses mains frémissantes pour deviner que ce futur roi obéirait corps et âme aux caprices de son épouse. Ce qui était de bon augure !
    Aliénor avait congédié chambrières, coiffeuses et autres dames pour me garder seule à ses côtés. Dans moins de deux heures, les cloches de la cathédrale Saint-André sonneraient à tout rompre. Déjà, on entendait gronder la foule massée autour du palais de l’Ombrière.
    Les gens étaient venus par centaines des quatre coins de l’Aquitaine, de la Gascogne, de la Saintonge, du Poitou, pour ne parler que des vassaux de la duchesse. Des acclamations de liesse se mêlaient aux odeurs de viande, de poisson, de pain, de caramel, de sauces et de fleurs.
    – Cesse de rêvasser, Loanna de Grimwald ! Donne-moi ton sentiment, allons !
    Elle me grondait avec des étincelles de bonheur dans les yeux. Je lui souris avec tendresse.
    – Tu es irrésistiblement belle ! lui répondis-je sans mentir.
    Elle battit des mains comme une enfant.
    – Je le savais ! Vite ! Que cela arrive, je n’en puis plus d’attendre !
    – À force de trépigner, tes mollets seront enflés. Que dira alors ton futur époux en découvrant pareils jambons ?
    – Bah ! Ton eau de mélisse leur rendra leur finesse. Regarde plutôt tout ce monde ! J’ai reçu l’hommage des vicomtes de Thouars, des seigneurs de Lusignan et de Châtellerault, ceux-là mêmes dont père savourait l’importance. J’ai vu les barons de Mauléon et de Parthenay, ceux de Châteauroux et d’Issoudun, de Fezensac, d’Armagnac, il en vient même des Pyrénées, te rends-tu compte ?
    Elle les énumérait sur ses doigts, étonnée de se souvenir de chacun.
    – Tu oublies la délégation du roi de France avec Suger à sa tête, ajoutai-je, amusée.
    – Oui, oui, mais leur équipage s’avère bien terne à côté de ceux de mes vassaux. Il est vrai que nous avons un train de vie bien plus fastueux que celui du roi lui-même ! Tant mieux, cela ranimera les vigueurs de ce cher Louis. Il n’est pas bien beau, mais il a quelque charme.
    – Celui surtout d’être fou de toi et vulnérable de ce fait ! rétorquai-je, moqueuse.
    – Comme tu me connais bien ! Comme je t’aime !
    Elle s’élança vers moi et m’entraîna dans une folle danse pour finir par m’étreindre avec tendresse au creux de ses bras. Je glissai un baiser humide sur son épaule.
    – C’est l’heure. Il faut y aller, duchesse. Reprenez donc un peu de dignité, le peuple attend de célébrer une reine.
    Elle se redressa et acquiesça d’un signe de tête, domestiquant avec peine son excitation. Prise d’un doute, elle s’inquiéta pourtant :
    – Tu seras près de moi, n’est-ce pas ?
    – A chacun de tes mouvements.
    – Ce n’est pas que j’aie peur, entendons-nous bien, c’est simplement que…
    – Que tu as besoin de sentir mon parfum à portée de main, je sais. Même si tu ne peux me voir, je ne verrai que toi.
    Lui prenant la main, je la guidai vers la porte. Elle inspira profondément.
    Derrière les lourds battants de chêne, une vie nouvelle commençait.
     
    Louis était recueilli, un chapelet entre les doigts. Tourmenté de questions, assailli de doutes, il ne trouvait le repos que dans la prière. Les recommandations de son père, haletant, le front en sueur, le ventre et l’estomac enflés, lui revenaient en mémoire :
    – Protège les clercs, les pauvres et les orphelins en gardant à chacun son droit.
    Alors, humblement, il s’était agenouillé pour recevoir ses paroles d’adieu :
    – Que Dieu te protège des malandrins et des pillards, mon cher enfant. Qu’il accompagne ton voyage et te donne la force nécessaire pour accomplir ton destin. Seule cette pensée me rattache encore à la royauté et à cette vie qui me quitte. Sois digne de ma confiance. Sois digne de tes ancêtres. Sois digne de ce Dieu tout-puissant par qui règnent les rois.
    Ces mots le hantaient, qui se superposaient aux prunelles d’étoiles de sa future. Il ne savait s’il devait se réjouir de l’amour qu’il lui portait déjà alors qu’il pressentait ne jamais revoir son père.
    La veille de leur départ, il avait entendu Suger désigner à Hervé, son prieur (sur qui allait reposer la charge de l’abbaye Saint-Denis pendant son absence), l’endroit dans la crypte de la basilique où il devrait faire creuser la tombe du roi si l’inévitable

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