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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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semaines seulement, pendant lesquelles ta couche sera bien gardée par ton époux et l’Église. Qu’aurais-je à faire sinon languir de ne pouvoir t’approcher ? Tu feras le voyage au côté des dignitaires. Je n’ai d’autre titre que celui de dame de compagnie, l’oublies-tu ? Ma présence ne pourrait que troubler le semblant d’intimité qu’on te laissera.
    – Tu m’oublieras !
    – Ne sois pas sotte ! Tu possèdes le plus mauvais caractère de toute l’Aquitaine, duchesse, mais je n’en connais aucune qui possède ton intelligence.
    Elle s’arqua sous l’insulte, piquée au vif :
    – Je pourrais te faire battre pour ton impertinence !
    – Et qu’invoquerais-tu pour motif ? Une raison dont tous ici peuvent vérifier l’évidence ? Paix, ma duchesse. Quelques semaines et je reviens, pour toi.
    – Il va t’aimer !
    – Je l’espère bien !
    – Tu le désires donc ! Pourquoi lui ? Il est laid, sans envergure, sans…
    – Sans royaume autre que celui des mots dont il chante les couleurs. Sa palette me plaît. Et ce qu’il est de même ; certains sentiments échappent à la raison.
    – Tu avoues donc l’aimer !
    – Désirer sa présence à mes côtés quelque temps. Et connaître ce pays dont il est si fier et que tu m’as dépeint tel un enchantement. Allons, suffit à présent. Je n’admettrai plus de querelle à ce sujet.
    – Je te hais, Loanna de Grimwald !
    – Autant que tu m’aimes !
    – Je me donnerai à Louis !
    – C’est ton devoir d’épouse !
    – N’as-tu donc aucun orgueil ?
    – Point de trop, damoiselle.
    Vexée, elle tourna les talons et sortit en claquant la porte, ce qui relevait de l’exploit compte tenu de l’épaisseur de celle-ci.
    J’allais devoir jouer finement. Je n’avais pas coutume de voir les rages d’Aliénor se prolonger au-delà de quelques heures. Toutefois, celle-ci dura jusqu’à notre départ de Bordeaux.
    Suger était inquiet pour le roi de France dont il pressentait la fin proche. Il demanda l’autorisation à Aliénor d’abréger autant que possible les festivités. Ce qui n’était somme toute pas chose aisée. Le peuple et les seigneurs déplacés pour la circonstance attendaient du duché d’Aquitaine de somptueuses réjouissances, et l’on avait encore en mémoire le mariage du père d’Aliénor qui s’était étalé sur plusieurs mois. Que penser alors d’un hymen d’aussi pauvre apparat ?
    Contre toute attente, cependant, Aliénor consentit. Nous ne demeurâmes à Bordeaux qu’une quinzaine.
    Durant celle-ci, ce ne fut que plaisir pour les yeux tant la ville, illuminée du soir à l’aube par des milliers de chandelles, ressemblait à une jonchée d’étoiles. Sans compter le grouillement perpétuel de chaque côté des rives de la Garonne. Les barques, barges et bateaux ne cessaient de se relayer pour promener les manants et les notables d’un bord à l’autre quand ce n’étaient pas denrées et étoffes, vins ou spiritueux.
    Aliénor m’évita soigneusement, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne me provoqua pas. Au contraire, je devinais chacun de ses gestes et attitudes à l’égard de Louis comme une manière d’aiguiser ma propre jalousie. Je présumais qu’elle en tirait une vengeance qui lui faisait du bien. Au fond, c’était tout ce qui comptait.
    Si cette guerre froide n’avait qu’une importance relative dans le cours des événements à venir, elle me posait toutefois un problème certain. Pendant mon absence, il était évident qu’Aliénor deviendrait l’amante de Louis. Pour être moine dans l’âme, ce jeunot n’en était pas moins homme, et je savais combien il était difficile de résister à cette tentatrice. Or, il était capital qu’Aliénor reste stérile ; si elle donnait un fils à Louis, elle demeurerait à jamais la mère d’un futur roi de France. Autant dire que cela serait désastreux ! Quant à lui faire prendre une potion à son insu, ce n’était possible que dans la mesure où je demeurais à ses côtés. Inutile de songer à m’allouer les services discrets d’une servante, voire de quelqu’un de son entourage. L’amitié dont elle me couvrait avait amené suffisamment de rancœur autour de nous pour que l’on contrefasse mes intentions ou pis encore.
    A moins que…
     
    – Que veux-tu ?
    La question était formulée comme un reproche. Il ne m’avait pas été difficile d’obtenir un entretien avec mon « ennemie ».

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