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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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son absence.
    Jaufré me disait son intention de venir à Paris avec son ami Panperd’hu. Je savais qu’Aliénor ne verrait pas d’un œil ravi ces retrouvailles. Je devais la convaincre sans la froisser. Denys m’y aida. Je lui avais avoué mon attachement à Jaufré pour le décourager d’un amour sincère et, curieusement, ma franchise nous avait rapprochés encore. Pour se consoler, Denys s’était tourné vers la reine, qui le subjuguait par sa beauté autant que par son impertinence. Les regards dont celle-ci enveloppait son connétable me donnaient à penser qu’elle nourrissait à son égard les mêmes sentiments. Comme je la comprenais ! Louis était un amant fantôme tout juste bon à aiguiser sa faim et la laisser pantelante d’un désir frustré. Je la comblais autant qu’il m’était possible dès que nous trouvions quelque intimité, mais cela ne suffisait plus à son ventre.
    Aliénor avait besoin d’un sexe d’homme. Je le lui offris un soir.
    Selon nos nouvelles habitudes, elle m’avait rejointe dans ma chambre, sitôt les chandelles mouchées dans le palais. Nue contre mon corps, elle s’était aussitôt abandonnée à mes caresses sur sa nuque et ses épaules, qui l’apaisaient et l’excitaient tout à la fois. J’en usais parfois comme d’un jeu pour faire grandir son impatience. Pas cette nuit. J’attendais autre chose. Il m’était facile de prévoir ses réactions. Je n’eus qu’à me laisser guider par son souffle qui, du ronronnement à l’agacement, puis à l’inquiétude, traduisit l’instant que j’espérais. Voyant que je me satisfaisais de ces attouchements trop sages, sa main s’enhardit sur mon pubis. Je ne réagis pas. Ce soir, il m’était facile de me contrôler. Elle insista quelques minutes, retenant son souffle pour guetter le mien. Je feignis un soupir résigné et promenais d’une main molle mes doigts au creux de ses reins. Elle se redressa d’un bond, comme brûlée à mon contact.
    – Tu ne m’aimes plus ! frissonna sa voix entre la consternation et la panique.
    – Bien sûr que si ! répondis-je tristement.
    – Et cependant tu es lointaine, à peine sens-tu mon désir de toi. De quelle langueur souffres-tu si ce n’est de moins d’amour ?
    – Oser seulement te le dire déclencherait des foudres sur ce baldaquin.
    – N’as-tu point confiance en moi ? Qu’ai-je donc fait pour que tu me craignes et me rejettes ?
    – Rien, ma reine. Rien.
    Et pour preuve, je l’attirai contre moi. Elle se pelotonna dans le creux de mon épaule. Un sourire m’échappa que l’obscurité lui voila. Elle était prête. J’attendis encore pourtant. Je voulais qu’elle m’arrache ce secret, comme une victoire qu’elle aimerait s’octroyer plus tard. Le feu crépitait dans la cheminée au pied du lit, arrondissant des ombres fantasques sur les murs blanchis.
    – Parle-moi, je t’en prie, gémit-elle. Je ne puis supporter de te perdre.
    – La compagnie de certain troubadour me manque, voilà tout.
    Elle se redressa, furieusement blessée.
    – C’est donc cela ! Je m’étonnais que tu l’aies oublié si facilement.
    Elle s’écarta de moi et me tourna le dos, boudeuse, pour me dissimuler ses yeux scintillants de larmes. Afin de lui laisser le temps de digérer mon aveu, je me glissai hors du lit et remis une bûche dans l’âtre.
    Un long moment s’écoula, peuplé de gerbes d’étincelles crépitantes qu’activait la pique sur les braises. Un instant, je perçus la course folle d’une souris en quelque coin de la pièce. Aliénor ne bougea pas. Puis ce fut un soupir, suivi d’un autre plus prononcé. Tous deux signifiaient la même chose : pourquoi ?
    Alors seulement j’eus la certitude que sa colère était tombée, qu’elle voulait que je la rassure et tout à la fois que je lui fasse mal, comme on peut avoir mal de la peur de perdre ceux que l’on aime.
    – Oublierais-tu un corps d’homme au creux du tien s’il n’était que tendresse ?
    Il y eut un temps de pause. Aliénor se retourna lentement et se cala contre un volumineux oreiller de plumes d’oie. Son visage était calme. Elle soupira de nouveau, d’incompréhension cette fois, qu’elle ponctua d’une de ses évidences :
    – Un homme ne peut être tendresse.
    – Lui, si.
    – Je ne vois vraiment pas ce qui fait la différence !
    Elle semblait si vulnérable, si délicieusement oubliée, qu’une vague de pitié me submergea. Comment

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