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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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et impétueux baron de Casteljaloux, et, pour ma part, je découvris avec plaisir le visage rieur de Denys dans l’échancrure du heaume relevé. La reine avait tenu à ce qu’il se batte pour moi et non pour elle, comme elle l’avait précédemment décidé. Son connétable avait très vite su trouver sa place au palais et s’y rendre indispensable, de sorte que pas un ne songeait désormais à remettre en question ses attributions.
    Parvenu devant moi, Denys décrocha de son armure un bouton de rose blanche et me le lança en guise de promesse. Je le saisis au vol et y déposai un baiser. Aliénor lança d’une voix tranquille :
    – Décidément, ce Denys de Châtellerault ne manque pas de panache ! Voyons s’il sait aussi se battre !
    – N’en doutez pas, ma reine, répondis-je en piquant la rose dans mes cheveux. J’ai le souvenir d’un embarras dont son épée me tira et, récemment, on rapporte qu’il a défendu avec aisance un jeune étudiant qui s’était heurté à quelques malandrins après avoir bu plus que de raison.
    – Vous ne pouviez choisir meilleur ami, susurra la voix de Béatrice, qui, sans m’adresser un seul regard, ajouta d’un ton entendu : Quel dommage qu’il ne soit pas autre chose qu’un enfant naturel.
    Je repartis sur le même ton :
    – Il est des cas où la nature fait sainement les choses.
    Elle n’eut pas le temps de renvoyer la balle. Un cavalier sans armoiries s’avançait vers Aliénor. Son armure d’un noir d’encre ornée d’un plumeau rouge se découpait de façon massive sur le fond bleu du ciel.
    Un murmure frémit dans l’assistance lorsqu’il s’arrêta devant la reine et hocha la tête pour la saluer. À l’inverse de tous les autres, il garda la visière de son heaume abaissée, masquant ses traits à l’assemblée. Amusée, Aliénor décrocha de sa manche un cendal blanc et le lui lança. Il le laissa se dérouler sous la brise, puis sortit son épée du fourreau. La soie s’enfila avec grâce autour de la lame. D’un geste souple du poignet, il la ramena à lui et récupéra son trophée pour le nouer à sa lance. Sous le regard ravi de la reine, il tourna bride et rejoignit son rang.
    Quelques secondes plus tard, les lances émoussées heurtaient les poitrines et nombre de cavaliers mordaient la poussière. Certains seigneurs hardis venaient s’incliner devant la tribune à la fin de chaque joute, soulevant un mouvement d’admiration ou d’indignation selon qu’ils étaient bien ou mal vus. Florine de Bourgogne s’évanouit à la vue du sang qui rougissait la pointe d’une lance, et l’on dut lui administrer les sels.
    Moi, je n’avais d’yeux que pour cet inconnu. Qui pouvait-il être pour avoir méprisé ainsi le roi de France et salué son épouse ? Louis avait tiqué et glissé quelques mots à Suger, qui avait secoué la tête négativement.
    À l’issue du tournoi, seuls quatre cavaliers restaient en lice : Denys, bien que blessé par un coup qui lui avait démis l’épaule, le chevalier inconnu, le comte de Beaufort et le baron de Casteljaloux qui venait d’envoyer à terre le comte de Flandres sous les yeux noirs de Béatrice et pour mon plus grand plaisir. Cela piquait son orgueil et satisfaisait le mien.
    Denys chuta à la deuxième attaque du cavalier noir, son bras atteint de nouveau par la lance, de même que le comte de Beaufort sous les coups du baron de Casteljaloux. D’un même élan, soulevant la poussière sous les sabots de leurs chevaux ruisselants de sueur, les combattants se firent face et chargèrent. Le bruit sourd du métal entrechoqué résonna dans nos tempes. L’assistance retint son souffle. Emportés par la violence du choc, les deux hommes furent désarçonnés et se relevèrent en faisant grincer leurs armures poussiéreuses. Le cavalier noir arracha son épée du fourreau et fonça sur le baron qui rétablissait son équilibre. Celui-ci, habile, esquiva l’attaque et dégaina à son tour. Les deux hommes tournèrent en cercle face à face, jouant de leur épée à deux mains comme d’une brindille entre leurs poings gantés.
    Aliénor avait planté ses ongles dans les accoudoirs et se dressait à demi sur son siège, ne perdant aucun des mouvements des deux hommes. L’on devinait à ses traits tirés qu’elle redoutait l’issue du combat. À présent, il n’était plus question de jeu mais d’orgueil bafoué. Il fallait un vainqueur, peu importait que le vaincu périsse.
    Le

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