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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Pentecôte m’avait rapprochée un peu de mon enfance et des miens. Nous nous entendions à merveille. Et si l’on raillait souvent ses petits cris apeurés, beaucoup parmi ces dames et ces damoiseaux la considéraient comme la meilleure amie du monde, tant elle se coupait en quatre pour être aimable et agréable avec tous. Quelle ait par ces attraits volé à Béatrice son chevalier le plus servant m’amusait d’autant plus que cette dernière en était verte de jalousie. C’était pour sa petite personne prétentieuse et maligne un retour de bâton divinement savoureux !
     
    Cette période de clémence et d’euphorie cessa avec le retour du roi. Aliénor dut prendre garde à masquer sa liaison. Elle joua finement, assurant le roi que ses yeux pétillants et ses joues rosées étaient dus à sa présence, tant elle avait souffert d’être séparée de lui. Louis sembla s’y laisser prendre. Dans le même temps, un messager de mère m’annonça de mauvaises nouvelles : les chevaliers du Christ étendaient leurs possessions en Aquitaine et Etienne de Blois s’en faisait des alliés fidèles. J’avais du mal à comprendre comment il y parvenait. Ce sot dévoré d’ambition et de lucre trahissait, pour satisfaire ses alliés, les prélats et barons anglais qui servaient sa cause.
    Sous le prétexte de bénéficier d’une armée divine, il leur arrachait des domaines et n’hésitait pas à les faire s’opposer pour récupérer leurs terres. Mathilde comptait les points, renforçait ses alliances en Normandie et, poussée par mère, tentait de son mieux de barrer la route à l’ordre sur ses deux duchés. Plusieurs de ses messages avaient été interceptés et l’on savait à présent que mon rôle n’allait pas dans le sens des intérêts du Temple. Je devais redoubler de vigilance. Ce n’était pas chose facile, car Jaufré me remplissait le cœur et m’attendrissait.
    Depuis le retour de Louis, je veillais à ce qu’Aliénor se montre de plus en plus capricieuse et autoritaire. Ce n’était pas difficile compte tenu de ses aptitudes naturelles ! Son appétit charnel apaisé par Denys dès lors que Louis sortait de sa couche, elle entendait de nouveau prendre part aux décisions royales, s’opposait de ce fait à Suger et continuait d’exiger la libération du vicomte de Thouars que le roi s’obstinait à garder pour conforter son autorité en Aquitaine. Elle ne pouvait admettre que l’un des siens soit privé de sa terre, d’autant plus que le vieux vicomte de Vertheuil était un proche de son père et que son fils avait agi par défi et par peur davantage que par haine. Louis, cependant, n’aimait pas qu’on le provoque, pas plus qu’il n’aimait ce qu’Aliénor avait fait du palais de la Cité. Chaque jour, jongleurs, troubadours, bateleurs de toute espèce emplissaient les rues de la vieille ville, ainsi que les cours et les salles du palais redécorées de couleurs chatoyantes.
    Béatrice voyait tout cela d’un œil mauvais. Aliénor ne s’intéressait plus à sa personne malgré les efforts visibles qu’elle faisait pour s’infiltrer dans notre intimité, et, plus elle me détestait d’être revenue, plus elle se heurtait au fait que beaucoup m’appréciaient. J’avais su me rendre indispensable grâce à ma connaissance des simples et des pigments pour les teintures. J’écoutais avec application ce qu’on me confiait sans divulguer rien alentour ; souvent même, ces dames suivaient mes conseils et s’en félicitaient. Béatrice n’avait d’autre talent que sa fourberie et sa trop grande, trop éclatante beauté. L’attention dont me couvait Jaufré la rendait malade, je le devinais à chacun de ses regards incendiaires, au ton de sa voix qui cherchait à blesser sous des dehors mielleux. Cette damoiselle était un véritable poison. Pour comble à son malheur, malgré l’amour qu’elle portait au roi, celui-ci la voyait à peine, et, si l’on sentait que son visage de madone attirait son regard, c’était le plus souvent un de ces regards vides dont on ignorait véritablement le fondement. Pour donner un sens à son existence désespérément creuse, elle décida qu’il était temps pour elle de se frayer une place en son cœur, si près de Dieu qu’elle en deviendrait l’image.
     
    Les beaux jours s’allongeant, tout ce petit monde se déplaça à Saint-Germain pour de grands pique-niques sur une herbe tendre. Les dames ramassaient à tour de bras les

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