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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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amoureuses ou mes victoires…
    C’était plus qu’elle n’en pouvait supporter, la rage embrasa ses joues. Elle lança une main cinglante en direction de son visage, mais il l’esquiva.
    – Que se passe-t-il, ma nièce ? Serais-tu en proie au démon pernicieux que l’on nomme jalousie ?
    – Tu te moques de moi une fois de plus. Tu sais que je ne peux vivre sans toi…
    – Mais si ! Tu seras très bien ici, la rigueur dissimulera ton beau visage, épargnant ainsi maintes souffrances à ceux qui n’auront pas le bonheur d’être aimés comme moi.
    – Assez !
    Se levant d’un bond, elle courut se réfugier contre un arbre pour cacher ses larmes. Raymond, bien que n’étant pas dupe de son stratagème, s’avança vers elle, la saisit doucement par les épaules et l’attira à lui. Elle se blottit sans résistance contre la poitrine massive et s’abandonna à de violents sanglots.
    – Calme-toi. Je n’en pensais rien, tu le sais bien. Pour rien au monde, je ne voudrais que l’on t’enferme entre quatre murs. Tu as besoin d’espace. Sèche tes larmes. La nuit tombe, il faut rentrer.
    – Non !
    – Allons, sois raisonnable.
    Raymond releva le menton frémissant, obligeant sa nièce à lui livrer son visage ruisselant de larmes. Il embrassa le front chaud, avec l’envie de laisser sa bouche caresser les lèvres suppliantes.
    – Restons ici, murmura-t-elle d’une voix tremblante, à peine audible. Ensemble ! Je te promets que jamais plus je ne t’ennuierai, ne te ferai de scène. Je t’en prie…
    – Tu es folle ! Que vont penser les moines ? Que leur nouvelle recrue s’est liée au démon ?
    – Peu m’importe, j’achèterai leur silence ! Je veux dormir contre toi. Me réveiller dans ta chaleur. Juste une fois. Une seule fois. S’il te plaît ?
    Raymond secoua la tête, sans conviction pourtant. Les yeux d’un vert d’émeraude brillaient de tant de lumière, d’un espoir si grand, qu’ils faisaient fondre toute résolution.
    Et déjà Aliénor savait. Il était vulnérable, il lui appartenait donc. Elle prit sa main, qu’elle sentit molle sous ses doigts, et l’entraîna vers le bureau du père supérieur. Dans le vertige de sa déraison, Raymond n’entendit qu’un brouhaha de mots qui semblaient mêler la fatigue, la fièvre et le besoin qu’avait sa nièce de se sentir veillée, tant le diable l’appelait en ses cauchemars ; explications dont elle jouait avec une telle sincérité qu’on ne pouvait les mettre en défaut. De fait, le saint homme ne trouva nul argument pour les séparer. Il les conduisit à la cellule isolée qu’il réservait à ses hôtes de marque, dans laquelle étaient disposées deux paillasses recouvertes de couvertures. Sur le mur au-dessus d’elles trônait un crucifix de bois. Le frère Alburge leur souhaita une nuit pleine de méditation, puis les laissa seuls. Raymond avait l’impression duveteuse d’être un pantin de chiffons et de plumes, envoûté par l’audace de sa nièce, pris au piège de son amour.
    Il la regarda se dévêtir dans un brouillard et l’attirer vers une des couches austères. Il eut encore une hésitation, dernier rempart contre l’inévitable, mais lorsque le corps chaud se moula au sien et qu’Aliénor lui prit la main pour la poser sur son sein en gémissant, il poussa un grognement sauvage et la fit sienne.
    Plus tard, Raymond s’éveilla en sursaut. Au-dehors, un loup affamé hurlait dans la nuit claire. Aliénor sommeillait contre son épaule, un sourire aérien aux lèvres. Un frisson le parcourut. Une fois encore, elle avait obtenu ce qu’elle désirait. Dans le regard du comte de Poitiers, que le sommeil déserterait désormais, l’étincelle du remords avait chassé celle du désir. Pour la première fois depuis longtemps, il se mit à pleurer.
    Je sursautai en sentant une main épaisse se poser sur mon épaule. Mais reconnaissant l’homme à la caresse bourrue, je lui souris.
    – Que prépares-tu cette fois ? me demanda Geoffroi le Bel, avisant ma mixture.
    Occupée à composer mes onguents, je ne l’avais pas entendu venir.
    – Une colombe s’est blessée à la patte. Voyez.
    Je pris dans le colombier qui me faisait face un volatile aux yeux tristes, couché douloureusement sur le côté. Le long de sa cuisse, une estafilade avait arraché les plumes et le sang s’était caillé, collant celles qui restaient.
    Délicatement, sous le regard de Geoffroi, je nettoyai la blessure

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