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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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j’étais véritablement. Pas n’importe quelle fille, ni duchesse ni roturière, ni sorcière ni fée, et pourtant tout cela à la fois.
    Il y avait de cela longtemps, Merlin l’Enchanteur, alors au service du roi Arthur, avait aimé Viviane, grande prêtresse d’Avalon, l’île gardienne des secrets druidiques. De leur union était née une fille, puis une autre lorsque celle-ci fut en âge de procréer. Toutes avaient en commun le même héritage, de par leur accouplement au Dieu cornu lors des fêtes rituelles de Beltaine. Toutes détenaient le savoir. Mère était la seizième de cette lignée. Elle possédait comme ses ancêtres l’intuition aiguë et la perception des choses invisibles, savait les secrets de la magie et les mystères cachés au regard des seuls humains. L’île d’Avalon s’était éloignée depuis longtemps des rives du monde visible, protégée des hommes par un voile de magie. Nul n’y pénétrait plus. Pas même mère. Tout au plus recevait-elle parfois, par des images confuses, des messages qui guidaient ses décisions. La vérité d’Avalon s’était confondue dans sa légende.
    Guenièvre de Grimwald était née comme les autres avant elle pour servir l’Angleterre. Il ne s’était pas passé un règne depuis celui d’Arthur où l’une d’entre nous n’ait été là, familière, indispensable, prompte à apaiser, à comprendre, à soutenir, à guérir et à prévoir dans l’ombre des rois, malgré l’interdit qui pesait sur les anciennes croyances, malgré les prêtres qui nous avaient maudites. En s’emparant du trône d’Angleterre, Etienne de Blois avait tiré un trait sur ces superstitions. Le Dieu des chrétiens, le Seul, l’Unique, devait guider les hommes dans la miséricorde et le repentir. Au mépris de toute sagesse ancestrale. Une terre de prière, une terre d’abstinence, une terre de soumission et d’hypocrisie, de fourberie et de mensonge, voilà ce qu’il entendait faire du royaume d’Arthur. C’était intolérable ! Plus encore que le fait pour dame Mathilde d’avoir été dépossédée de son bien. C’était une tradition que l’on écorchait vive, une lumière que l’on éteignait. Comme on était loin de la quête du Graal et, à travers l’objet mystique qu’il représentait, comme on était loin des paroles et des actes d’égalité, de fraternité et de justice de ces êtres emplis d’amour qui en avaient porté le symbole ! Comme on était loin des premiers temps de la chrétienté où la sagesse première était de préserver celle des Anciens.
    Parfois, des images me venaient, comme à mère, de formes humaines auréolées d’une aura intense de bleu et de mauve pailletée d’étoiles. Mère me disait alors que c’étaient eux, ces êtres venus des confins de l’univers, qui avaient essaimé sur la planète alors qu’elle n’était qu’un embryon de vie. Que d’eux venait la connaissance que nous devions transmettre. Tout cela me fascinait. Comment cela pouvait-il être ? Les étoiles étaient si lointaines à nos yeux. Le moindre déplacement terrestre nécessitait souvent plusieurs jours de voyage. Alors que penser d’une route dans l’espace ? Pourtant, elle disait vrai. J’en avais la certitude au fond du cœur.
    Mon destin était associé à celui d’Henri. Lorsqu’il deviendrait roi, je serais à ses côtés comme grand-mère avait été dans l’ombre d’Henri I er Beauclerc et mère dans celle de dame Mathilde.
    Mais j’étais la dernière. Mère l’avait annoncé comme une sentence. Ce n’était pas une responsabilité légère. Je n’avais que seize ans ce jourd’hui et je portais en moi tout l’espoir d’un monde en train de mourir qui, désespérément, tentait de léguer l’essentiel de ce qui l’avait fait naître pour que régnent paix, amour, progrès et lumière. Tous ces mots qui avaient un sens avant que l’Église n’assoie son obscur pouvoir.
    Je ne savais pas si je me sentais prête. Peut-être l’étais-je depuis toujours. Plus qu’aucune autre avant moi, je me devais à la plus sacrée des missions. Une seule chose pour moi était certaine : je n’avais pas le choix. Je n’avais jamais eu et n’aurais jamais d’autre droit que d’épouser mon destin.
     
    Depuis deux mois, je vivais en ermite, sur nos terres de Brocéliande, dans la chaumière que seuls connaissaient ceux de mon sang, à quelques pas de la source, dans cet endroit où, étrangement, régnait un

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