Le livre du cercle
qu’il aimait, alors qu’il luttait pour la paix
dans un pays mis à feu et à sang par les chrétiens et les musulmans, qui se
vouaient une haine réciproque. Will ne voulait pas qu’on envoie ses amis
brandir leur épée là-bas. Le roi et le visiteur souhaitaient châtier les
responsables, mais il ne voyait pas en quoi le fait de tuer encore plus
d’hommes pourrait arranger la situation.
Will
serra le col de son manteau. Malgré le froid, il sentait la sueur dégouliner
dans son dos. Était-ce donc cela, être un chevalier? Combattre et mourir pour
la cause d’un autre ? Pour la cause d’un roi ? Ou celle de Dieu? Will ne
pouvait l’admettre. Leurs paroles lui paraissaient irréelles, désincarnées. Son
père n’y croyait pas, il l’aurait su quand bien même personne ne lui eût dit
pourquoi il s’était rendu en Terre sainte. Pour lui, James était grand et
digne, c’était un esprit noble, un combattant plein d’honneur, un cœur
généreux. Mais ce n’était pas le manteau qui lui avait conféré ces qualités, ni
les vœux qu’il avait prononcés. Elles faisaient partie de lui, elles avaient
toujours fait partie de lui. D’autres hommes abandonnaient leur famille pour
faire la guerre au nom de Dieu, ou au nom de leur pays. Si son père l’avait
abandonné, lui ainsi que sa mère et ses sœurs, c’était pour la paix. Sa vision
se brouilla tandis que les larmes envahissaient ses yeux. La colère qu’il avait
ressentie contre son père disparut et fit place à un amour rayonnant, auquel se
mélangeait le sentiment absolu de sa perte.
— Will
? fit une voix de femme.
Il
se tourna et reconnut Elwen à travers ses larmes. Les flammes des torches
donnaient à ses cheveux des reflets cuivrés et argentés, et ses grands yeux
verts irradiaient dans la lumière tremblotante. Sa robe et son manteau étaient
d’un jaune éclatant et elle portait une chaîne en argent. On aurait dit une
reine.
Elwen
fixait son manteau avec stupeur.
— Quand
est-ce arrivé ?
— Elwen,
dit-il d’une voix étranglée.
Mais
il fut incapable de trouver les mots qu’il aurait voulu prononcer et, au lieu
de parler, il s’approcha d’elle et la serra dans ses bras comme un homme se noyant
et s’agrippant à la seule planche à sa portée après un naufrage.
— On
m’a dit que des chevaliers étaient venus voir le roi, dit-elle contre sa
poitrine. Mais je n’aurais pas cru que tu étais avec eux. Que se passe-t-il ?
La reine m’a appris que le roi avait convoqué un conseil de toute urgence.
— Safed
est tombé, répondit-il, le visage plongé dans ses cheveux. Mon père est mort.
Elwen
recula et releva la tête pour le regarder.
— Will,
murmura-t-elle en essuyant une larme qui roulait sur sa joue. Mon Dieu...
Ses
yeux se remplirent de pleurs en constatant la détresse de Will.
— Le
roi va lancer une nouvelle croisade.
Elwen
passa ses doigts sur la croix du manteau.
— Alors
tu vas...
Sa
voix tremblait.
— Tu
vas partir faire la guerre ?
— Non,
dit Will d’une voix résolue. Je ne te quitterai pas.
Il
baissa les yeux sur le visage inquiet de la jeune fille et comprit quel idiot
il avait été jusque-là. Pendant tout ce temps, il avait pourchassé des
fantômes. Obtenir le pardon lui était maintenant impossible, et il ne
retrouverait plus jamais l’affection de son père. Mais Elwen, elle, était là.
Solide, tangible. Elle le désirait, elle l’aimait, et il l’avait repoussée pour
un manteau qui, à peine l’avait-il revêtu, ne signifiait pas plus pour lui que
la tunique noire qu’il avait portée pendant des années. Il hésita, juste une
seconde, avant de parler.
— Je
t’aime.
Les
yeux d’Elwen scrutèrent son visage.
— Et
je veux t’épouser, reprit Will.
— Tu
ne penses pas ce que tu dis, dit-elle en poussant un bref rire de surprise et
de nervosité.
— Au
contraire, je n’ai jamais autant pensé ce que je disais.
— Mais
c’est impossible, tu es chevalier ! Tu es lié par tes vœux, fit-elle en se
mettant à pleurer à chaudes larmes. Maintenant, nous ne serons jamais...
Les
mots qu’elle allait prononcer s’évanouirent quand il se pencha pour
l’embrasser. Lentement, elle lui rendit son baiser. Will l’étreignit encore
plus fort et elle ouvrit la bouche pour explorer la sienne du bout de la
langue. Elle sentit le désir lui empourprer les joues. Elle se dégagea, prit
ses mains dans les siennes et les posa, tentatrice, sur sa poitrine. Elle
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